mardi 9 mars 2010
REMEMBER DJAMAL AMRANI 1935-2005:Une passion algérienne
Djamal Amrani (1935-2005) : une passion algérienne
Non, ce n’est pas sur la chaîne III , la radio internationale- qui rayonnait sur tout le bassin méditerranéen- que Leila Boutaleb, avec sa voix inimitable lit ce jeudi , à la veille d’une date hautement emblématique, les « Œuvres choisies « de Djamal Amrani. Mais à l’Espace de la culture algérienne, le Hoggar, à Toulouse. Double commémoration, le « 19 mars » et le cinquième anniversaire de la disparition du poète. Le Hoggar, est cet espace culturel initié récemment par le consulat d’Algérie à Toulouse comme un trait d’union culturel de la communauté algérienne dans la Ville rose. Démarche originale dont la mesure où elle repose sur le dynamisme des associations regroupées dans une formule fédérative. Au cœur de cette fédération, se distingue l’association Nedjma qui multiplie les initiatives, telles les rencontres-lectures consacrées aux lettres algériennes : le 8 mars , dans le sillage du printemps des poètes consacré cette année à « Couleur femme », on a pu entendre dernièrement les textes d’Assai Djabar, Salima Ait Mohamed, Anna Gréki, Safia Ketou , Myriam Ben … La Cave-Poésie –René Gouzenne de Toulouse qui achève sa « Semaine du poème chanté », conçu par le poète et chanteur, Philippe Berthaut, reçoit « El Maestro » d’Aziz Chouaki, interprété par Hocine Boudjemaa . Ajoutons qu’à l’occasion du premier jour du printemps « amenzu n’arbi », une conférence-débat avec est prévue le 20 mars dans un lieu pittoresque, la pizzéria « Chez Zoubir et Hafid ». Il y sera question du printemps berbère de 1980 et de la situation présente de la Kabylie. C’est dire que ce mois de mars allie couleur et résonnance algériennes. Djamal Amrani a connu Toulouse dès 1968 quand il rendit visite à l’éditeur Jean Subervie et le poète Jean Digot qui ont fait connaître au plus fort de la guerre l’originalité de la culture et des lettres algériennes, en 1957, bravant la censure et publiant une numéro spécial Algérie de la revue « Entretiens » paraissant à Rodez. Nombre d’écrivains algériens y ont séjourné, Malek Haddad, Kateb Yacine, et bien sûr, Jean Sénac qui y fit publier son manifeste « le Soleil sous les armes ». Même près l’indépendance, Subervie a continué à publier les écrivains algériens, tel Kaddour M’Hamsadji (Oui, Algérie) …En cette année dédiée à Chopin, Djamal Amrani qui l’aimait par-dessus tout, aurait été gâté... Belle conjonction de hasards poétiques ! D’une vie intense, exaltée, voire insouciante au départ- que la douleur allait édifier, Djamal Amrani a dédiée sa vie c à la cause nationale. Il faut relire, Le Témoin, ce document capital rédigé dans une sincérité absolue, paru en 1960 aux éditions de Minuit en France. Lire ou relire Le Témoin (je ne sais s’il a fait l’objet d’une réédition), c’est accéder à un au passé de la “présence française” dans sa complexe tragédie dont l’acculturation ne fut pas des moindres. Parmi les élites algériennes, nombre crurent en la vocation émancipatrice et égalitaire de la France républicaine. Des hommes de bonne volonté firent le pari d’une passion française. On sait ce qu’il en advint. En termes psychanalytiques, le décapant Frantz Fanon parlait du “complexe du colonisé”. Djamal Amrani est né un 29 août 1935, une famille nombreuse, rue Juba à Aumale (Sour-El-Ghozlane) dont le père était fonctionnaire des Postes et décoré de la légion d’honneur pour sa bravoure durant la deuxième guerre mondiale. Dès le 19 mai 1956, Djamal Amrani se démarque et s’engage. La Bataille d’Alger, en 1957, sera la pierre d’achoppement définitive de son destin : il sera arrêté, torturé dans la villa Susini et emprisonné. Il verra en un mois les forces d’occupation françaises tuer son frère et son beau-frère, Ali Boumendjel. “J’ai traversé cela comme un enfer de couleur de corbeau...”. Après la torture par les mains des paras de Massu, la prison : l’exil à Paris où il fut accueilli et fêté, entre autres, par Germaine Tillon, Nazim Hikmet, Romain Gary, etc. On le retrouvera à l’état-major de l’ALN à Oujda. Comme de nombreux poètes par le monde, son pays indépendant le nommera diplomate à Cuba, où il côtoya le “Che”, Nicolas Guillén et les grands poètes dont l’Amérique latine est abondante. Il fonda des journaux, présida à leurs destinées, fit de la radio et était au cœur de la communication. Prolifique et pourvu de dons multiples, il tenait chronique avec talent sur la littérature de son pays et du monde. Quand la source était unique, il était l’un de ces affluents singuliers, et à part, qui faisait entendre une petite musique médiatique et littéraire originale dans le concert de l’unanimisme. En dépit de l’a priori d’un regard ou d’une écoute paresseuse qui le désignait comme l’un des ces “gardiens de la révolution ». Or, comme l’écrivit Tahar Djaout, « de tous les « poètes de la Révolution », Djamal Amrani est celui qui a le plus tenu ses promesses. Non seulement, il a imposé une heureuse continuité alors que tant d souffles se sont éteints, mais il a, à l’image de ces autres grands poètes que sont par exemple Mohamed Dib et Jean, Sénac, exploré de nouvelles voies, mettant à profit d’autres cordes sensibles, une somme de richesses langagières et de trouvailles oniriques » (Algérie Actualité du 8 au 14 juillet 1982).Il connut les Grands successifs de l’Algérie indépendante, certains quand ils n’étaient que d’obscurs besogneux. Il préférait revenir simplement à la base, Un livre, un voyage, la parution d’un article, une causerie, une conférence ne serait-ce à cinq, un repas et son un appareil rafraîchissant suffisaient à sa joie. Avant sa mort, il eut droit à des hommages mérités et les louanges n’ont pas manqué, bien que tardifs et lourds, parfois de mauvaise conscience.
Après avoir eu le privilège d’accueillir sa collaboration dans au moins deux publications (Révolution Africaine et Horizons) la presse) j’ai eu le plaisir d’être son hôte au début des années 2000 pour plusieurs jours en région toulousaine. Il reste de son passage, un enregistrement radiophonique d’une émission, une brève vidéo et l’une de ses boites à chique-comme un caillou semé par un Petit Poucet. Je lui ai demandé lui, qui était resté au pays mordicus, comment il avait paré aux menaces de mort. Il avouait volontiers s’être interrogé sur le temps qu'il lui faudrait pour mourir s’il venait à tomber entre les mains des sicaires... Pendant deux années, il trouva refuge à l’archevêché de Monseigneur Teissier. Dieu merci, il l est parti à l’heure de son destin de mortel, sûrement apaisé, par ce qu’en sincère homme de foi et de fraternité, il aura cherché son chemin dans une inquiète et haute spiritualité. Leïla Boutaleb, son amie durant quarante ans- et sa plus proche collaboratrice – ressuscite ce jeudi soir à l’Espace de la culture algérienne, à Toulouse qu’il avait arpentée, les rapsodies de ce démineur de mémoire. Au bivouac des incertitudes de notre époque.
A.K.
L’Association Nedjma organise un hommage au poète
DJAMAL AMRANI 1935-2005
Une passion algérienne
LEILA BOUTALEB LIT
SES OEUVRES CHOISIES
Jeudi 18 MARS 2010 à 18H30
Récital de poésie, accompagnement musical, témoignages et échanges
Entrée libre
nedjma_association@yahoo.com http://nedjma31.emonsite.com
***
Djamel (ou Djamal) Amrani est né le 29 août 1935 à Sour El-Ghozlane et décédé le 2 mars 2005.
Il est scolarisé en 1952, à l'école communale de Bir Mourad Raïs. Le 19 mai 1956, il participe à la grève des étudiants algériens. En 1957, il est arrêté, torturé et incarcéré par l'armée coloniale. En 1958, à sa sortie de prison, il est expulsé vers la France. En 1960, il publie son premier ouvrage aux Éditions de Minuit, Le Témoin. Cette même année, il rencontre Pablo Neruda et crée le journal "Echaâb". En 1966, il devient producteur d'une émission maghrébine à l'ORTF, et entame une carrière radiophonique aux côtés de Leïla Boutaleb à la radio algérienne. En 2004, il reçoit la médaille Pablo Neruda, haute distinction internationale de la poésie.
Poéthique : Auteur de nombreux recueils de poésie, de nouvelles et de récits (dont le poignant Le témoin, éd. de Minuit, 1960) Djamal Amrani est né en 1935 à Sour el-Ghozlane. Il fut arrêté par les autorités coloniales en 1957 pour sa participation à la grève des étudiants. Il a participé à la création de divers périodiques et, surtout, d'émissions de poésie à la radio "Psaumes dans la rafale", "Poémérides", "Rhizomes magnétiques", etc. Ce grand poète offre à ses lecteurs les textes les plus denses qui soient, «sans jamais verser dans l'hermétisme" comme le rappelait Jean Déjeux. Au fil des ans sa poésie est restée d'une force intacte, comme en témoigne La nuit du dedans.
Extrait :
« À Alger, je rencontrai un poète, Djamal Amrani, lui aussi très éprouvé par la mort de Jérôme Lindon qui fut son éditeur. Fin 1959, Pierre Vidal-Naquet - ainsi qu’il le rappelle dans ses Mémoires (3) - avait remis aux éditions de Minuit le manuscrit d’un jeune Algérien, " presque un enfant ", le Témoin, récit des sévices que son frère et lui avaient subis de la part de parachutistes. Dès sa parution, en mai 1960, le livre de Djamal Amrani fut saisi. Le jeune homme a grandi, il est devenu un poète unanimement respecté dans son pays. En dépit de tout, il demeure un amoureux de la langue et de la littérature françaises qu’il a toujours défendues dans la presse et à la radio algériennes ».
Les bâtisseurs de liberté
La chronique de Régine Deforges
Article paru dans l'édition du 2 mai 2001
Journal l'Humanité
Tahar Djaout, « de tous les « poètes de la Révolution », Djamal Amrani est celui qui a le plus tenu ses promesses. Non seulement, il a imposé une heureuse continuité alors que tant d souffles se sont éteints, mais il a, à l’image de ces autres grands poètes que sont par exemple Mohamed Dib et Jean, Sénac, exploré de nouvelles voies, mettant à profit d’autres cordes sensibles, une somme de richesses langagières et de trouvailles oniriques » (Algérie Actualité du 8 au 14 juillet 1982).
Djamal Amrani, un poète algérien
Djamal Amrani est un des grands poètes algériens de graphie française selon l’expression est de Jean Sénac dont il a été un ami intime et un compagnon de route pour faire connaître la poésie et, notamment la poésie de combat. C’est un poète qui a recouru à la poésie en tant qu’arme de combat avant de l’élever aux Jours Couleur de Soleil. C’est un immense poète dont on s’accorde à penser qu’il a été l’initiateur à l’entrée en poésie de toute une génération de jeunes après l’indépendance de l’Algérie en 1962. Certains lecteurs ont trouvé la poésie de Djamal Amrani difficile d’accès. Pour qui sait fréquenter ses textes, vient un moment où se révèlent, au-delà ou en deçà de la douleur de l’homme inscrite à la surface, une sensualité aux marges de la Beauté, de l’espace vide et lointain de ce qui nous ressemble, l’Amour. Pour qui sait lire attentivement, il y a en effet, un aspect vertigineux dans la poésie de Djamal Amrani. C’est ce qui donne naissance à soi dans la résistance, le rejet ou l’acceptation. C’est ce qui surgit à l’aube du questionnement de la vie à l’adolescence et qu’on traîne parfois dans l’âge adulte. C’est quand on se frotte à ce questionnement que la vie acquiert un sens ou pousse dans cette direction. Le pays du poète est immense. Il n’a pas de frontière. Il est Amour qui rassemble, Joie que l’on partage, Eau purificatrice dont on prend plaisir à s’y mirer et à observer ce qui pulse en nous, Force qui nous soulève viscéralement. Son laboratoire, son atelier d’écriture, c’est Alger, la ville qui, dans sa splendeur avait accueilli à bras ouvert le Ché, Nelson Mandela, Giap et tant d’autres qui avaient cru à l’utopie d’un monde plus humain. C’est dans cette ville que chantaient Albert Camus, Anna Gréki et tant d’autres amoureux des mots que le poète trouve son inspiration; même si, au détour d’un nuage, il regarde vers l’ailleurs qui est tout aussi proche parce que d’autres peuples tentent de briser leurs chaînes. C’est la raison pour laquelle la poésie de Djamal Amrani est toujours une nouvelle aube. Il y a un dévouement à la vie que ne saureraient mentir les quelques brouillards crépusculaires au détour des mots. C’est dire que tant que demeure la poésie, l’espérance est permise pour l’individu comme pour le genre humain présentement à la croisée des chemins — à moins qu’il ne soit déjà trop tard. Espérons que ce n’est point le cas. Nous sommes en tout cas parés pour affronter le désenchantement du monde.
Mouloud Belabdi *
*Consultez l’excellent site qu’a consacré Mouloud Belabdi au regretté Djamal Amrani :
http--djamel.amrani.site.voila.fr-
Les poètes ne meurent jamais, ils s’éteignent
Revenons à ce jour. Il pleuvait sur la ville et Djamel était là, assis en face de moi et d’une caméra, l’esprit errant dans le creux d’une vague époustouflante d’un poème. Comme ça. Tout humblement, le poète s’en va. Comme dans un jeu d’enfant où on ne se donne même pas la peine de fermer la porte derrière soi pour être le premier à embrasser le soleil matinal, et avant tout le monde.
Il est parti sans avertir personne, sur la pointe des pieds comme une ombre blanche afin de ne pas déranger, comme il l’a toujours fait de son vivant. Sans même regarder derrière lui les feuilles baissées du citronnier, comme font les exilés quand ils s’éclipsent de bonheur pour éviter de tomber sous le poids de l’amertume et le désir d’un possible retour qui les hante. Ils savent mieux que quiconque que la voie de l’errance est longue, peut-être même sans fin. Ils croient vivre le provisoire, mais ils découvrent après quelques années d’absence que c’est toujours un provisoire qui dure. Ils ne retournent jamais la tête par peur de changer d’avis. Et ils partent comme des poètes, traînant derrière eux un filament de fumée rose ou mauve dans lequel se cachent les voix sablées de ceux qu’ils ont aimés et peut être perdus à tout jamais et une petite flamme qui se perd dans le gouffre des nuits longues d’un quatrain qui ne finit jamais. Oui, les poètes ne meurent jamais, mais ils s’éteignent. Une bougie sur une table isolée d’une vieille cabane qui se consume sous les lumières éblouissantes du cœur, ou un jaillissement aveuglant d’un poème noyé dans un silence que seuls les poètes savent faire parler. Il était là. Fatigué par le poids des jours monotones, avec ses pas isolés et rythmés comme un poème ou escaladant les longs escaliers de la radio. Il est toujours difficile d’accepter la mort, surtout quand celle-ci touche les êtres les plus chers. Chaque fois que quelqu’un part, c’est un pan de la vie qui s’éclipse en se consumant. Mais c’est aussi un homme qui nous quitte laissant derrière lui un vide difficile à combler. Un homme dont la vie n’était pas toujours de la poésie. Je ne peux pas échapper à ce sentiment tragique de perte chaque fois que je suis devant l’un de ces hommes qui ont fait notre histoire culturelle dans la douleur. J’ai la nette conviction qu’une génération entière, qui a bercé notre mémoire proche, est en train de partir si vite qu’on arrive très mal à se rendre compte. Peut-être que les années noires, vécues dans la solitude, nous ont appris à supporter les coups répétés de la mort. Beaucoup sont partis dans l’insouciance criminelle, d’autres partiront sans même qu’on se rende compte de leur disparition. Et cette question assassine refait surface à chaque tournant de notre vie : qui sera le prochain ? Que faut-il faire avant que ça ne soit trop tard ? Comment fixer ces visages dans la mémoire de ceux qui viendront et à qui on n’a pas grand-chose à offrir que ce désir charnel de vivre un pays et une culture ? Il pleuvait ce jour-là. Assis en face de moi et des caméras, derrière lui un fond noir qui faisait bien ressortir ses traits d’enfant maladroit qui a trop peur des lumières. C’était le numéro 20 de l’émission télévisuelle « Diwan » produite par l’ENTV, consacrée au grand poète Djamel Amrani. Je ne garde de lui que son aimable disponibilité, et cette phrase à la fin du tournage : « J’espère Waciny que je ne t’ai pas déçu, je suis venu pour toi et je n’ai pas l’habitude de faire ces choses. Je succombe vite aux charmes de la pluie et de la poésie. » Sa voix était forte et pleine d’échos et de modestie. Ce matin là, il a ouvert sa poitrine et laissé s’envoler en éclats tous les débris d’une vie difficile à cerner. Il a parlé de sa mère, de ses sœurs, de la tragique disparition de son père et de ses livres, de ses déplacements entre Sour El Ghozlane, Cherchell, Bouchaoui et puis le Maroc, au service de la cause nationale. Il a longtemps parlé de Jean Senac et de son assassinat prémédité, de la mort de Tahar Djaout dont il ne s’est jamais remis. Il parlait avec douleur. Dans ses yeux, tel un miroir brisé, chevauchaient des larmes ardentes qui refusaient de fondre sur une barbe fatiguée par l’usure des temps durs. Il murmura : « Le jour où j’ai perdu Tahar Djaout, je me suis posé la question inévitable : à qui le tour maintenant ? Je me voyais le prochain. Ces années rouges nous ont affaiblis. » Il avait toujours ce regard d’enfant, perturbé par le bruit des caméras et des lumières de l’éclairage, lui qui a toujours préféré le silence du poète et la modestie des hommes justes ? En évoquant son beau-frère Ali Boumendjel et sa ville d’adoption Birmandreis, une vague de douleur traversa sa gorge, rendant du coup sa parole difficile. Il reprit, sa main tremblait comme une feuille blanche : « Est ce qu’on peut recommencer ? » Fatigué par les injustices des hommes formatés dans un moule social uniforme, il ne s’est jamais résigné. La poésie était sa raison de vie et sa liberté. C’est la flamme qui ne s’éteint jamais disait-il. Elle était son seul présent. Dès qu’il s’envole vers le passé, je revoie vite l’homme politique, le journaliste engagé et l’officier de l’ALN. Mais dès qu’il se projette dans le présent et un peu dans l ’avenir incertain, je rencontre le poète triste. Dans notre pays, quand on est poète, on est inévitablement triste et seul. C’est plus qu’une génération qui part, une histoire qui meurt. Depuis que j’ai commencé la réalisation de la série Diwan, depuis trois ans, j’ai vu partir des hommes irremplaçables : Dib est mort alors qu’on était en plein montage de son émission. Il disait cela : « A un moment donné, il faut savoir fermer les yeux pour ne voir que la vie toute nue, elle est belle sans l’habillage de mensonges. » Abou Laïd Doudou, savant et grand traducteur, connaisseur de plusieurs langues dont le latin et traducteur du roman fondateur l’Ane D’or d’Apulée vers l’arabe, il est mort alors qu’on venait d’envoyer son émission à la diffusion. Tout le monde a parlé, de lui et des autres. Le lendemain, ils sont retombés dans l’oubli. Comme si notre mémoire collective est faite de brouillard et d’ombre. Il y aura beaucoup de fêtes et de rencontres pour immortaliser la mémoire de Djamel Amrani, la suite tout le monde la connaît, on l’oublie, et on se prépare cyniquement pour fêter la mort du prochain. Pourtant, un poète ne meurt jamais, il fait ce que font les étoiles, il s’éteint pour laisser rejaillir la lumière du cœur de la nuit et caresser ce grand silence qui nous entoure et qu’on nomme sur le bout des lèvres : la mort. Il rejoint cet espace sacré des passeurs de rêves ou seuls les poètes, demi-dieux, ont droit de cité, Homère, Virgile, Ronsard, Abou Al Aâla Al Maârri, Al Moutanabbi, Kateb Yacine, Safia Kettou, Benhaddouga, Djaout, Sadek... Ce jour-là, il pleuvait, mais quelque part son regard était triste. Trop triste. Un sentiment profond de gâchis.
Wacini Laradj
El-Watan 10 mars 2005
Œuvres
1964 : Soleil de notre nuit, préface de Henri Kréa, encres de Aksouh - Éditions Subervie, Rodez
1964 : Chants pour le Premier Novembre, avec des gravures de Abdallah Benanteur - Éditions d'art ABM, Paris
1968 : Bivouac des certitudes - Éditions SNED, Alger
1972 : Aussi loin que mes regards se portent... - Éditions SNED, Alger
1979 : Jours couleur de soleil - Éditions SNED, Alger
1981 : Entre la dent et la mémoire - SNED, Alger
1982 : L'Été de ta peau - SNED, Alger
1983 : La Plus haute source - ENAL, Alger
1985 : Argile d'embolie - Ed. Laphomic, Alger
1985 : Au jour de ton corps - ENAL, Alger
1986 : Déminer la mémoire - ENAL, Alger
1989 : Vers l'amont - ENAL, Alger
2000 : Alger - Éditions Actes Sud, Arles, (ISBN 2-7427-3023-0)
2001 : Alger, un regard intérieur in La pensée de midi, n°4 - Éditions Actes Sud, Arles, (ISBN 2-7427-3357-4)
2003 : La Nuit du dedans - Éditions Marsa, Alger
2003 : Œuvres choisies - Éditions ANEP, Alger
Théâtre 1973 : Il n'y a pas de hasard - Éditions SNED, Alger
Nouvelles 1978 : Le Dernier crépuscule - SNED, Alger
Sur Djamel Amrani
Jean Déjeux, Bibliographie méthodique et critique de la littérature algérienne de langue française 1945-1977, SNED, Alger, 1979.
Jean Déjeux, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Paris, Editions Karthala, 1984 (ISBN 2-86537-085-2).
Anthologie de la littérature algérienne (1950-1987), introduction, choix, notices et commentaires de Charles Bonn, Le Livre de Poche, Paris, 1990
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