ADIEU A HAMID NACER-KHODJA
A la suite du décès subit de notre confrère,
Abdelhak Bouattoura , Arezki Metref , commentait, attristé, la nouvelle par cette formule du poète Robert Desnos "Le crépuscule tombe sur
notre génération". On ne peut plus juste. Les poètes comme les
journalistes disparaissent, souvent dans la plus complète discrétion.
Ce matin,
notre amie commune, Odile Teste, qui suivait avec abnégation l’évolution
de l’état de santé de Hamid Nacer-Khodja , m’informe qu’il nous a quittés
vendre di soir, 23h30, à l’hôpital de Djelfa où il avait été à nouveau
hospitalisé en cardiologie réanimation jeudi en fin d'après midi. « Il
m'a appelée hier à 13h37, il semblait mieux, apaisé, l'arythmie était
sous contrôle. Je n'avais pas compris
qu'il me (nous) disait adieu », écrit Odile Teste. En fait, Hamid
faisait stoïquement ses adieux car il
semble qu’il a pu donner d’autres coups de fil à des amis. Hamid Nacer-Khodja
avait été préalablement hospitalisé à l’hôpital de Hassi-Bahbah dans
l’après-midi du 9 septembre pour tenter 'enrayer la sévère anémie qui
l'accablait ... D’après O.Teste il positivait,…Mais la maladie fut plus forte.
A leurs amis, la nouvelle parvient comme la foudre. Voici que notre frère ,
l’universitaire, l’essayiste, l’écrivain, le poète, et l’homme le plus affable
que l’on puisse connaître par les temps qui courent, Ses travaux sur la
littérature et la poésie, sur Jean Sénac
(auquel il avait consacré une Thèse de Doctorat et ,notamment, un remarquable
essai sur sa relation à Camus,
« Albert Camus –Jean Sénac ou le fils rebelle( Préface de Guy Dugas)), et,
à tant d’autres romanciers et
poètes dont la destinée fut liée à
L’Algérie et au Maghreb, font date.
Il signa la postface substantielle des Œuvres
poétiques de Jean Sénac, rassemblant l’ensemble de ses quinze recueils
poétiques , (Actes/Sud, 1999,
préface de René de Ceccaty) ), ouvrage aujourd’hui épuisé, [Rassemble
l'ensemble des recueils publiés, soit quinze titres].Dans les colonnes de la
presse, Hamid Nacer-Khodja donna de pénétrantes chroniques littéraires . Et le
magazine littéraire algérien, L’Ivrescq , lui doit tant de
dossiers de qualité, réalisés par une
volonté qui forçait l’admiration. Généreux , il donnait de son temps, de sa
santé et de modestes revenus, ne craignant de prendre à ses frais le taxi
de Djelfa à Alger pour assurer le suivi d’une article, la parution d’une
préface généreusement dédiée. Né à Lakhdharia, ex- Palestro, il vécut et mourut
dans le Pays profond, sur les Hauts-Plateaux ,à Djelfa, en symbiose avec les petites gens, le petit
peuple , dans des exigences éthiques qui
n’étaient plus de mode pour beaucoup ... Dans une vie antérieure, il fut des premières promotions de l’ENA, où
il côtoya de futurs ministres , voire des Premiers ministres de la République.
Un temps, sous-préfet aux champs, il détela, désenchanté sous les coups de l’envie et des
chausse- trappes bureaucratiques , préférant la traversée du désert au miroir
aux alouettes…
Celui qui consacra l’essentiel de ses efforts aux vers des
autres négligea ou plutôt sacrifia, les
siens. Hamid Nacer-Khodja ne publiera
que de rares poèmes en revues et dans des anthologies au gré du temps et de la
providence poétique. Pourtant poète révélé à 17 ans par Jean Sénac qui
annonçait en 1971 son recueil, Après La
main . Recueil qui ne paraîtra qu’en 2015
dans une originale publication à
deux voix, en bonne compagnie de « Bouche à oreille » de notre ami Marc
Bonan. Et ce grâce aux bons soins des éditions Lazhari-Labter…
Durant bien des
années, Dans sa course contre la maladie et la mort, H.Nacer-Khodja , nous a laissé « Jumeau », un ultime
et grave récit plein d’accents autobiographiques
où se mêlent humour, dérision et
introspection sur fond de discours
social critique. Un récit( paru chez Marsa Editions, 2012) où plane l'ombre
tutélaire de Jean Sénac, le « maître constant » .
L’interrogation « Que
peut la parole » ? Cette
interrogation était au cœur de son existence.
Hamid Nacer -Khodja rejoint la farandole ses frères poètes disparus dont
les paroles continueront d’habiter les vivants.
Paix à son âme. Allah Yarhmou. Que la terre lui
soit légère.
Abdelmadjid KAOUAH
Carbonne, le 16 septembre 2016
*Texte publié dans le quotidien national Le Soir d’Algérie 18/09/2016
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HAMID NACER-KHODJA
Poète du dedans
C’est
un brillant chercheur universitaire, un
essayiste talentueux que vient de
perdre l’Algérie. Hamid Nacer-Khodja
était loin d’être un académicien
compassé. Bien au contraire, dans ce monde universitaire, il pouvait
paraître parfois ‘’décalé’’. Naturel et sans prétention. L’émotion
suscitée par son décès a traversé la Méditerranée. Hommages et reconnaissance
affluent pour lui reconnaître le statut de passeur de cultures vivifiant. A l’exemple de « Ce que nous nous devons à Hamid
Nacer-Khodja », texte émouvant du Professeur Guy Dugas, son ancien directeur de recherche pour sa Thèse d’Etat
sur Jean Sénac.
Mais- au-delà des enceintes universitaires dont il fit
ces vingt dernières années le théâtre de son esprit créatif - sans s’enfermer
dans une tour d’ivoire- il faut sans doute revenir au point de départ de son
aventure humaine. A savoir la poésie. Car poète il le fut dès 17 ans, comme un
clin d’œil du destin à Rimbaud. Un poète devenu rare, au fil du temps et des
avanies de l’édition de la poésie en Algérie. Et dire que Jean Sénac annonçait
en 1971 son recueil Après la main en 1971 ! Or,
il faudra attendre 2015 pour qu’il
puisse sortir enfin des limbes.
Et ce, dans une publication à deux voix
en compagnie de son ami Marc Bonan ( aux éditions
Lazhari-Labter). Il était temps, avant le terme de son destin sur terre. En
fait, non seulement Hamid Nacer-Khodja
était devenu un poète rare, il n’évoquait sa poésie
qu’exceptionnellement. Comme si pudiquement, il voulait tourner la page sur ses écrits de jeunesse.
Dans le secret de son intimité, des gerbes de vers doivent attendre le lecteur
. Car la vraie passion de Nacer-Khodja
est demeurée la poésie. Pour preuve, l’essentiel de son travail universitaire et éditorial a concerné des
poètes. En premier lieu, bien entendu, Jean Sénac. Hamid Nacer-Khodja a fait
partie de cette génération au destin tragique dont le cours de la vie a
oscillé entre « Le mal de
vivre » et « la volonté d’être » selon le grand Bachir Hadj-Ali.
Faut-il les citer tous? La liste est longue et pathétiques. Poètes trop
tôt disparus. Assassinés pour certains, tel l’éveilleur, lui-même, Sénac ;
Tahar Djaout, Youcef Sebti…. Et d’autres ravis précocement à la vie par la maladie, Ghaouti Faroun, Chakib Hamada, Hamid Skif,
pour ne citer que ceux-là…
Hamid Nacer-Khodja en poète ? Je me permets
d’extraire ce passage de la préface qu’il a eu l’obligeance de rédiger
pour mon ouvrage : « Diwan du
jasmin meurtri », une nouvelle anthologie de la poésie algérienne de
graphie française (selon Sénac) à
paraître prochainement à Chihab Editions.
Hélas, Hamid ne
sera pas là au moment de la parution/ de cet ouvrage qui lui doit beaucoup.
Mais, consolation, il était au courant de sa prochaine parution et s’en
réjouissait.
Voici ce qu’il écrivait : ‘’Mais
la poésie algérienne, témoin et conscience de la nation, n’est pas que
circonstancielle et évènementielle. A proximité de chantres engagés ou non dans
l’action, inféodés ou non à une idéologie, vivent des poètes du dedans aux idées et registres
différents. D’errances oniriques en itinéraires personnels, entre sourdes
confidences et moi hypertrophiés, avec une évidente clarté ou une grâce
abstraite, ces auteurs inquiets ou sereins réalisent une radioscopie à la fois
ombrageuse et solaire de l’Algérien. Journal de bord d’une patrie en mouvement,
journal intime d’une identité d’homme, telle est la dualité porteuse de la poésie
algérienne ‘’.
Voilà par sa voix la définition de la veine poétique à
laquelle il se reconnaissait et se
rattachait. Une poésie loin du pathos et de l’illusion lyrique. Djamel
Amrani , ce môle insubmersible de la poésie algérienne , l’avait très tôt compris :
« Un voyage au-dedans où la
parole se meut, où se partage une infusion de tendresse et d’espoir, rythmées
par l’appel irrésistible de la lumière ». Au-dedans, le même mot sous la plume de Djamel Amrani et celle de
Nacer Hamid-Khodja. A deux moments différents dans le temps.
Plus qu’une coïncidence, une préscience poétique. Quelle écriture quelle foi /Sinon fendue/
Quetzal/ Que je pleure ».
Abdelmadjid Kaouah
*Publié dans le quotidien national algérien Reporters , 21/09/2016
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Dur le flache
un cœur fléché.
Mémoire abrogée,
souvenirs en fagots
dans la houle des chenilles
l'envol d'un papillon.
Qui a fendu l'écorce?
Qui a gratté l'aubier?
Un pas pour le savoir
un autre pour oublier
et la forêt pour vertige.
un cœur fléché.
Mémoire abrogée,
souvenirs en fagots
dans la houle des chenilles
l'envol d'un papillon.
Qui a fendu l'écorce?
Qui a gratté l'aubier?
Un pas pour le savoir
un autre pour oublier
et la forêt pour vertige.
Marc BONAN
*Dernier poème adressé
à Hamid il y a deux ou trois mois.
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