mercredi 11 février 2009

LE LOGO ETOILE







Insigne Khadda




En septembre de l’année 1975, nous étions quelques-uns (certains aujourd’hui disparus, dispersés à travers dans le monde) a nous lancer, quasiment sans expérience, à quelques exceptions, dans une aventure éditoriale, a la fois, exaltante et éprouvante. Mais ceci est une autre histoire dont l’écriture ne peut être que collective dans la mesure où elle se voulait quasi-auto-gestionnnaire…pour reprendre concept obsolète. Mes confrères corrigeront les défaillances ma mémoire. Je pensais a l’époque, à l’instar de mes compagnons de route — que la langue arabe proclamée a cor et a cri <> devait cohabiter dans une entente fertile avec la langue française. Par choix, et dans une intention symbolique, nous avions avec l’assentiment, longuement, sinon âprement discuté, fait concevoir le logo du journal de manière bilingue.



El Wihda -L’Unité. L’arabe, bien entendu, pour respecter les convenances posées avait la préséance. Mais dans la communication courante, a l’époque, le litre était surtout connu, cité — en bien ou en mal — en français. En arabe, elle donnait m^me lieu dans la bouche d’un haut responsable de l’Egide (Allah Yarhamou) à un ironique jeu de mots… Le logo était, si mes souvenirs sont bons, que c’était notre calligraphe de l’édition en arabe qui l’avait conçu.
Quel ne fut notre agréable étonnement de recevoir après les tous premiers numéros une longue lettre de l’artiste-peintre Mohammed Khadda. Une longue missive ou l’artiste se réjouissait de la parution du titre, du parti-pris graphique du logo et, en retour, signalait, avec force détails quelques imperfections auxquelles il proposait des réajustements. Il avait pris la peine jusqu’à redessiner le logo. Chacune de ses remarques était longuement argumentée. Pour les novices que nous étions, nous ne pensions pas que derrière le choix d’un logo pouvait se cacher une méditation plastique. Notre calligraphe, un vieux routier de la presse et du kalame (et de la colle dont il faisait grand usage, si je ne m’abuse) avait fait pour le mieux en dormant forme a une espèce d’article de foi juvénile, et tout compte fait sinon malhabile, du moins perfectible. Mohammed Khadda, sans donner des leçons, et de du ton le plus humble s’était intéressé à un travail préexistant et lui donnait plus belle et lui donnait meilleure allure. Nous nous sommes vus honorés par ses suggestions dont nous nous appliquâmes à faire bon usage…Pour la plupart Mohammed Khadda était un nom connu, respecté, surtout par ouïe dire et quelques expositions arrachées à a l’ académisme <> de ce temps. Une auto-célébration qui déjà résonnait de façon monotone, tournée vers la glorification
Excessive des hauts faits guerriers que feu Mostéfa Lacheraf diagnostiquait et fustigeait, y compris dans une solitude officielle. Pour ma part, je e n’avais pas encore pris connaissance l’étude de Khadda sur le Maître de Baghdad le calligraphe Yayha El-Wassiti (1237 J.C. - 634 de L’Hégire), illustrateur des Maquâmât d’El Harirl. Et pour cause, l’étude n’a pu voir le jour qu’en 1976 alors qu’elle datait de 1974.Elle ne sera d’ailleurs disponible en Algérie que dans les années quatre-vingt, reprise dans un ensemble, « Feuillets épars lies » (Alger, 1983). Mohammed Khadda déconstruisait avec force arguments l’affirmation consacrée qui justifiait la non représentation de la figure humaine. Exemple de El-Wassiti a l’appui, Khadda écrit: >. Et par El-Wassiti interposé, il met en exergue les <>, il cible autant les orientations
Institutionnelles léguées par les <> que le conservatisme artistique. qui figerait les arts plastiques algériens dans une <>.
Intraitable sur la nécessaire approche critique du passé, il l’était autant, sinon plus sur- les questions de l’avenir. Surtout en ce qui concerne l’éducation artistique des enfants.
Après avoir pris notre logo par les cornes, il nous fit le présent d’un article sur les méthodes employées à l’école pour l’apprentissage du dessin. Une forme de terrorisme pédagogique contre l’imaginaire de l’enfant... L’avons-nous rencontré à cette occasion ?
Je n’en ai pas souvenance, c’est plus tard que je situe notre rencontre, a la fin des années 80, quand les prémices des tragiques événements d’Octobre 88~e profilaient a l’horizon, Mohammed Khadda était un artiste-peintre internationalement connu, a l’apogée de son travail créatif.
Chargé de concevoir un supplément culturel, je fis cette fois directement appel à M. Khadda. J’eus enfin le plaisir, exceptionnel — de le connaItre, de réfléchir et de travailler pendant de nombreuses semaines avec lui, y compris chez lui, où son épouse, me donnait a découvrir, après ses talents d’enseignante, ses dons d’hôtesse. Autour du thé apprêté par elle, j’infligeais mes conceptions graphiques assez décousues à M. Khadda qui m’écoutait avec patience. Lui, travaillait ferme pour préparer la maquette du supplément. Une fois prête, combien grande sera notre déception La technique n’avait pas suivi, à l’exécution. Khadda avait conçu — et cela pour un modeste supplément — une maquette originale qui sortait des sentiers battus. Autant de temps, d’énergie — et de cafés bavards avec moi—dérobés son œuvre de créateur. Il en avait les larmes aux yeux et je n’exagère pas...Venons-en a la troisième péripétie d’une relation entamée sous le signe épistolaire et prolongée par des rencontres de travail. Loin des mondanités que Khadda, d’après ce que j’ai, tenait en piètre estime. C’était les lendemains douloureux mais féconds des Journées d’Octobre 88. Mohammed Khadda, qui avait connu des sa prime jeunesse ’oppression colonialiste, qui s’était
Investi dans la cause de l’indépendance pouvait se taire devant les pratiques d’un autre âge : la torture.
En plus de ses interventions publiques, il s’était attaché à réunir sans exclusive tous les textes jaillis du grand orage d’automne qui avait bouleversé l’Algérie. Ce devait être une manière de panorama de témoignages, de récits, de nouvelles, de poèmes jetés a chaud sur le papier. Ecrits d’Octobre ou devait figurer les réactions tires d’une aphasie intellectuelle provoquée par l’ampleur d’un drame qui dépassait toutes les supputations politiques de l’époque. Pour l’essentiel, les textes étaient des
écrits d’urgence, sans prétention littéraire. Mais pour Mohammed Khadda, l’important était de faire rejoindre les crissements de la plume aux cris de la rue. Enfant du peuple, ayant très tôt lutté pour gagner son pain, il n’a jamais laissé en lui l’artiste distancier l’homme.
. Mais voilà que la maladie s’empare de son corps et que la mort le frappe avec une rapidité foudroyante. Sa mort, comme celle de Kateb Yacine, de Bachir Hadj Ali allait comme inaugurer un rituel interminable des deuils. Signe, logo étoilé, que restera Khadda. « Au plus haut des flammes /ciel zébré de lueurs/ errance d’un chant marin/il nous renvoie ce qui luit en lui ». C’est là un extrait qui lui est dédié dans « Soleils sonores ».de Bachir Hadj Ali, ouvrage réalisé, illustré et publié par
ses soins (Alger 1985).Sa mort, comme celle de Kateb Yacine, de Bachir Hadj Ali et d’autres, allait comme inaugurer un rituel interminables deuils. Ils s’éclipsaient, tôt, harassés de luttes, comme pour empêcher l’intolérable ou ne pas être présents aux carnages fratricides.






Abdelmadjid Kaouah



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Les maladies infantiles de l’’Indépendance in Écrits didactiques (sur la culture, l’histoire et la société). Enap, Alger, 1988.

Europe, n’ 567-568, Juillet-Août 1976, consacrés à la littérature algérienne.
Une Poésie au Sud : Jean Sénac, archives de La vile de Marseille,1983.

A signaler que M, Khadda est également l’auteur d’un essai: Éléments pour Un art nouveau, Unap, 1972.

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