Retour à Darwish en Salon de Provence
Il est des poètes dont le deuil ne s’achève jamais. On parle de la mort de Lorca comme si c’était hier. Et l’idée de l’exhumer de la fosse de Viznar où il fut fusillé en compagnie de deux obscurs compagnons (une réédition profane de la passion christique grâce aux sinistres séides franquistes) pour être inhumé dans un mausolée à sa gloire, soulève dans l’Espagne d’aujourd’hui force controverse. Mahmoud Darwish, la voix, le champion et le héraut du martyrologue du peuple palestinien, depuis sa disparition inattendue (et la mort est-elle jamais attendue pour n’importe quel homme) le 9 août dernier sur une tale d’opération chirurgicale américaine, Mahmoud Darwish repose sur une colline de Ramallah, face à Jérusalem. Et lui qui avait de son vivant récusé les ors et les maroquins d’une improbable Autorité palestinienne pour mener une vie e citoyen auprès des siens à Ramallah, surtout en durant le siége imposé par Israël en 2002, a vu ses mânes ointes tant par son peuple que par les officiels. Peut-on échapper à son destin, quand à 12 ans , on écrit en toute innocence à l’école de l’occupant israélien un poème dénonçant la Nakba, que l’on se fait tancer et menacer pour cela par un gouverneur militaire ? On ne peut vivre, aimer et mourir que dans la passion extrême des siens et des autres. Tel ce Joueur de dès*, toujours jouant sur un volcan :
Qui suis-je pour vous direce que je vous dis ?Je ne suis pas la pierre façonnée par l’eaupour que je devienne visageni le roseau percé par le ventpour que je devienne flûte…Je suis le joueur de désje gagne ou je perdsJe suis votre pareilou un peu moins…
Quelle modestie. Je reviens de Salon. Salon de Provence, citée passée à la postérité comme la ville natale et le tombeau, (en église, en travaux,)) du redoutable Nostradamus. Pour les plus jeunes, elle est connue pour accueillir l’intrépide Patrouille de France. Dans cette ville de 40. 000 âmes, la municipalité et la chevronnée Association Salon Culture, répondant à la suggestion de quelques admirateurs de oeuvres de Mahmoud Darwish, ont tenu à rendre à ce dernier fin novembre dernier. Votre serviteur y était pour introduire l’hommage et déclamer (avec quelle maladresse) pour la première fois en public quelques poèmes d Mahmoud Darwish. Devant une assistance qu’on pouvait considérer comme un succès d’estime pour les organisateurs (à l’instar de certains livres qui sans devenir des best-sellers obtiennent notoriété et estime). Et ce, avec la complicité d’un impeccable comédien, André Levêque, pour ne pas le nommer. Ainsi, l’espace d’une soirée Darwish fit de l’ombre à Nostradamus et autres curiosités de la ville (qu’une visité empressé permit de découvrir: hélas, un sabre de l’Emir Abdelkader exposé habituellement était à l’étude).Le Galiléen, M.Darwish, appréciait la région dont il était devenu au, fil des temps, grâce à Actes Sud et à Farouk Mardam Bey, le directeur de la collection Sindbad. Qui sait que Mahmoud Darwish fut, à sa manière, et dans les conditions historiques du drame de tout le peuple palestinien, une sorte de « sans-papiers », avant l’heure. En effet ; il a frappé aux portes de la France vers les années 60. Les portes sont restées fermées lors de sa sortie d'Israël en 1968.Il a voulu y trouver refuge. Mais comme il était arabe et avait des papiers israéliens, sans indication de nationalité. On a trouvé cela bizarre et on l'a mis dans un avion retour. .. (Il n' y avait pas encore de charter à l’époque). Après le siège de Beyrouth, dans les années 80, elles se sont enfin ouvertes pour lui et ce fut le départ de Paris pour sa célébrité dans le monde. Il n'est pas resté ce poète reconnu seulement dans sa terre d'origine mais il y a conquis la célébrité et l'universalité. Il faut lire et relire l’émouvant et ardent Sarîr al-gharîba « Le Lit de l’Etrangère » (Actes Sud 2000, traduction de l’arabe par Elias Sanbar) Entre deux rives et mille exils. Reconnaissant, il confessa : «"Ce que je sais, c'est que Paris a été mon véritable lieu de naissance en tant que poète. Quand je fais un tri dans ma poésie, j'accorde une place particulière à ce que j'ai écrit à Paris, dans les années 1980et au-delà. C’est là que l'occasion m'a été offerte de méditer sur la patrie, le monde et les choses de la vie, et cela en maintenant une certaine distance, qui était lumineuse. On voit mieux de loin car on découvre le paysage dans son ensemble" Entretiens sur la poésie, Actes Sud 2006.
ET de cette région solaire, qu il a donné son récital testamentaire dans les arènes de la ville d'Arles avant de s'envoler vers son destin, son éternité de poète, décédant quelques semaines à peine, aux Amériques... Michel de Nostradamus, dans ses célèbres prophéties, avait-il prédit ce destin ? L’apothicaire et astrologue redouté de la reine Catherine Médicis était néanmoins poète.
Merci donc aux Gens de Salon-de-Provence, à ses édiles, à Jean Michard de Salon Culture, à Keltoum, à Anne, à Fouzia, Catherine, Louis, à Lotfi, Simone et Jean, et ceux qui ont fait le déplacement de Marseille ou d ailleurs, Fethi, Saïd, et que ceux que j’oublie de nommer, faute d’espace et de mémoire, soient indulgents…. La fondation d’une nouvelle association est en chantier à salon et sa région. Bon vent et Salem, paix ! Et quels meilleurs auspices que ceux d’un poète fraternel, l’impérissable amoureux de la mythique juive Rita , l’amante perdue pour cause de guerre!
A.K.
______________
* Quel magnifique hommage rendu au poète lors de son quarantième Jour, au centre culturel d’Al Nassira, Nazareth par le trio palestinien Joubran transmis en direct par Al Djazeera (on peut le voir sur Dailymotion). Par ailleurs, la Ville rose, Toulouse, accueille le 6 décembre à la librairie La Renaissance, à Basso Cambo, un hommage à M.Darwish, en présence de nombreux poètes de la région et de son éditeur, à Farouk Mardam Bey.
Il est des poètes dont le deuil ne s’achève jamais. On parle de la mort de Lorca comme si c’était hier. Et l’idée de l’exhumer de la fosse de Viznar où il fut fusillé en compagnie de deux obscurs compagnons (une réédition profane de la passion christique grâce aux sinistres séides franquistes) pour être inhumé dans un mausolée à sa gloire, soulève dans l’Espagne d’aujourd’hui force controverse. Mahmoud Darwish, la voix, le champion et le héraut du martyrologue du peuple palestinien, depuis sa disparition inattendue (et la mort est-elle jamais attendue pour n’importe quel homme) le 9 août dernier sur une tale d’opération chirurgicale américaine, Mahmoud Darwish repose sur une colline de Ramallah, face à Jérusalem. Et lui qui avait de son vivant récusé les ors et les maroquins d’une improbable Autorité palestinienne pour mener une vie e citoyen auprès des siens à Ramallah, surtout en durant le siége imposé par Israël en 2002, a vu ses mânes ointes tant par son peuple que par les officiels. Peut-on échapper à son destin, quand à 12 ans , on écrit en toute innocence à l’école de l’occupant israélien un poème dénonçant la Nakba, que l’on se fait tancer et menacer pour cela par un gouverneur militaire ? On ne peut vivre, aimer et mourir que dans la passion extrême des siens et des autres. Tel ce Joueur de dès*, toujours jouant sur un volcan :
Qui suis-je pour vous direce que je vous dis ?Je ne suis pas la pierre façonnée par l’eaupour que je devienne visageni le roseau percé par le ventpour que je devienne flûte…Je suis le joueur de désje gagne ou je perdsJe suis votre pareilou un peu moins…
Quelle modestie. Je reviens de Salon. Salon de Provence, citée passée à la postérité comme la ville natale et le tombeau, (en église, en travaux,)) du redoutable Nostradamus. Pour les plus jeunes, elle est connue pour accueillir l’intrépide Patrouille de France. Dans cette ville de 40. 000 âmes, la municipalité et la chevronnée Association Salon Culture, répondant à la suggestion de quelques admirateurs de oeuvres de Mahmoud Darwish, ont tenu à rendre à ce dernier fin novembre dernier. Votre serviteur y était pour introduire l’hommage et déclamer (avec quelle maladresse) pour la première fois en public quelques poèmes d Mahmoud Darwish. Devant une assistance qu’on pouvait considérer comme un succès d’estime pour les organisateurs (à l’instar de certains livres qui sans devenir des best-sellers obtiennent notoriété et estime). Et ce, avec la complicité d’un impeccable comédien, André Levêque, pour ne pas le nommer. Ainsi, l’espace d’une soirée Darwish fit de l’ombre à Nostradamus et autres curiosités de la ville (qu’une visité empressé permit de découvrir: hélas, un sabre de l’Emir Abdelkader exposé habituellement était à l’étude).Le Galiléen, M.Darwish, appréciait la région dont il était devenu au, fil des temps, grâce à Actes Sud et à Farouk Mardam Bey, le directeur de la collection Sindbad. Qui sait que Mahmoud Darwish fut, à sa manière, et dans les conditions historiques du drame de tout le peuple palestinien, une sorte de « sans-papiers », avant l’heure. En effet ; il a frappé aux portes de la France vers les années 60. Les portes sont restées fermées lors de sa sortie d'Israël en 1968.Il a voulu y trouver refuge. Mais comme il était arabe et avait des papiers israéliens, sans indication de nationalité. On a trouvé cela bizarre et on l'a mis dans un avion retour. .. (Il n' y avait pas encore de charter à l’époque). Après le siège de Beyrouth, dans les années 80, elles se sont enfin ouvertes pour lui et ce fut le départ de Paris pour sa célébrité dans le monde. Il n'est pas resté ce poète reconnu seulement dans sa terre d'origine mais il y a conquis la célébrité et l'universalité. Il faut lire et relire l’émouvant et ardent Sarîr al-gharîba « Le Lit de l’Etrangère » (Actes Sud 2000, traduction de l’arabe par Elias Sanbar) Entre deux rives et mille exils. Reconnaissant, il confessa : «"Ce que je sais, c'est que Paris a été mon véritable lieu de naissance en tant que poète. Quand je fais un tri dans ma poésie, j'accorde une place particulière à ce que j'ai écrit à Paris, dans les années 1980et au-delà. C’est là que l'occasion m'a été offerte de méditer sur la patrie, le monde et les choses de la vie, et cela en maintenant une certaine distance, qui était lumineuse. On voit mieux de loin car on découvre le paysage dans son ensemble" Entretiens sur la poésie, Actes Sud 2006.
ET de cette région solaire, qu il a donné son récital testamentaire dans les arènes de la ville d'Arles avant de s'envoler vers son destin, son éternité de poète, décédant quelques semaines à peine, aux Amériques... Michel de Nostradamus, dans ses célèbres prophéties, avait-il prédit ce destin ? L’apothicaire et astrologue redouté de la reine Catherine Médicis était néanmoins poète.
Merci donc aux Gens de Salon-de-Provence, à ses édiles, à Jean Michard de Salon Culture, à Keltoum, à Anne, à Fouzia, Catherine, Louis, à Lotfi, Simone et Jean, et ceux qui ont fait le déplacement de Marseille ou d ailleurs, Fethi, Saïd, et que ceux que j’oublie de nommer, faute d’espace et de mémoire, soient indulgents…. La fondation d’une nouvelle association est en chantier à salon et sa région. Bon vent et Salem, paix ! Et quels meilleurs auspices que ceux d’un poète fraternel, l’impérissable amoureux de la mythique juive Rita , l’amante perdue pour cause de guerre!
A.K.
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* Quel magnifique hommage rendu au poète lors de son quarantième Jour, au centre culturel d’Al Nassira, Nazareth par le trio palestinien Joubran transmis en direct par Al Djazeera (on peut le voir sur Dailymotion). Par ailleurs, la Ville rose, Toulouse, accueille le 6 décembre à la librairie La Renaissance, à Basso Cambo, un hommage à M.Darwish, en présence de nombreux poètes de la région et de son éditeur, à Farouk Mardam Bey.
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