Momo sur la Canebière
Momo sur la Canebière, à Marseille ? Un scénario qui aurait donné lieu à un feu d’artifice poétique (mais il faudrait lui adjoindre son complice Mohamed Zinet de l’impérissable : « Tahia ya Didou »). En tous cas, il a été rendu hommage à ses mânes. En cette fin de mai, marquée par les « ponts », et, sous un précoce soleil estival, sur le Vieux-Port, la poésie entre les deux rives était de la fête. Et comme de tradition à Marseille, la veine lyrique se conjugue toujours avec la convivialité. La poésie se donnait à voir, et surtout, à s’entendre sur la terrasse du « Caribou », un restaurant bien marseillais, comme son nom ne l’indique pas. On y célébrait deux revues riveraines, méditerranéennes par leur vocation : la « Revue des Archers », une publication littéraire semestrielle, placée sous le signe de Gebrane Khalil Gebrane. Elle est dirigée par Richard Martin, directeur du fameux théâtre Tousky, comédien et metteur en scène. Homme de culture, d’engagement et de liberté dont les propos ne souffrent pas d’ambigüité : « A l’heure où l’on essaie par tous les moyens de bâillonner l’esprit et de niveler l’art, il est plus que jamais urgent de réagir, de nous recentrer et de nous dresser contre tout ce qui tente de nous opprimer ».D’où l’impératif besoin du « souffle des poètes buissonniers et des littérateurs de l’impossible ».Qui d’autre que le poète se décline par excellence comme cet « escaladeur des cimes ». Il n’y en avait pas un mais une cohorte. Parmi laquelle se distinguait la haute silhouette du maître de cérémonie, pour ainsi dire, Yves Broussard aux côtés duquel se tenait Téric Boucebci, venu d’Alger au nom de la revue algérienne de « poésie contemporaine des deux rives 12X2. ». Le premier se définit comme « poète méditerranéen d’expression française», lauréat de prestigieux prix (Antonin Artaud, Apollinaire, Charles Vildrac et Lucian Blaga, de Roumanie). . Il a dirigé la prestigieuse revue SUD et assure aujourd’hui la direction Autre SUD. La Ville de Marseille un important hommage intitulé : « Habitant la terre, Yves Broussard, poète ». Car c’est avant tout , cela qu’il est parmi ses pairs, venus nombreux à ce jumelage poétique. Il y avait des visages familiers, amis de l’Algérie, tel Jean-Claude VILLAIN, d’autres n’ayant pu être présents, tel Jean-Claude XUREREB, natif d’Alger, intime compagnon du regretté Jamal Eddine Bencheikh. Tout faisant partie du sommaire des « Archers », un grand nombre de ces poètes étaient réunis avec des poètes algériens par les soins de Téric Boucebci et Abderrahmane Djelfaoui, initiateurs de « 12X2 » dans le cadre de la Fondation Mahfoud Boucebci. A notre connaissance, c’est la seule revue de poésie à exister aujourd’hui. Une véritable aventure qui joint la ténacité au défi poétique. On le sait que trop, la poésie ne fait pas bon ménage avec le marché. Même si l’image du couffin est inséparable de Himoud Brahim dit Momo objet avec le poète Jean Malrieu du double hommage introductif. Et pour rester dans la métaphore marine , citons ces propos d’Abderrahmane Djelfaoui dans son « envoi » : « Heureusement, les poètes , à l’instar des poissons et des oiseaux, comme des antiques et nouveaux passeurs et bateliers des cotes et des estuaires ont la particularité d’être mus par une patience naïve qui ressemble à celle des vagues… ». Et comme tentative, parmi tant d’autres, de définition de la poésie, retenons celle proposée par Téric Boucebci, poète méditerranéen dont l’inspiration principale est nourrie par les mythes et légendes : « Nous vivons au travers des multiples histoires racontées par les uns, vécues par les autres. Nous ménageons nos effets et soudain nous voilà pris d’une envie subite d’exister ou de faire exister, de nous faire exister, de nous brusquer dans nos langueurs de vie ».D’une rive l’autre. Qui fait l e premier pas ? La question est superflue. Alger, Marseille, deux ports. Dans un même mouvement on y embarque et on y débarque. C’est un peu le pari de ces poètes méditerranéens. A la rencontre de Marseille, les hôtes étaient nombreux. Citons les poètes de la rive nord de la méditerranée qui firent le voyage algérien : Gérard BLUA, Yves BROUSSARD, Gérard ENGELBACH, Daniel LEUWERS, Jacques LOVICHI, Bernard Mazo, Jean PONCET, Dominique SORRENTE, Fréderic Jacques TEMPLE, Jean-Max TIXIER, André UGHETTO, Jean-Claude XUEREB.
A mesure que l’orbe du soleil était englouti au large du Vieux-Port, les voix des poètes décochaient leurs « flèches vivantes », offrandes aux dieux de la poésie méditerranéenne. Ulysse s’était arrêté un moment à Massalia. Et cette exhortation d’Yves Broussard, résume la rencontre poétique entre les deux rives :
« Les oiseaux seuls
Tracent leur parcours
Sans souci d’origine
Ni de fin ».
Et déjà, nous confie Téric Boucebci, Alger s’apprête à accueillir la présentation de « 12X2 ». En un lieu plus qu’emblématique, La Librairie des Beaux-arts en péril. Mais ce qui n’entame en rien la détermination de l’ami Boussad Ouadi face « aux rapaces de la spéculation ». Entre les deux rives, un impératif commun : « s’ouvrir à ceux que le système abandonne en chemin au prétexte fallacieux qu’ils ne sont pas dans les modes et qu’ils ne filent pas dans la grisaille de l’air du temps », comme le dit à Marseille, le metteur en scène Richard martin. Méditerranée, passage des miracles après les saccages.
A.K.
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