Dieu a crée un pays plein d’eau pour que les hommes puissent vivre et un pays sans eau pour que les hommes aient soif. Il a crée un désert : un pays avec et sans eau pour que les hommes trouvent leur âme.
Proverbe Touareg
J’ai toujours aimé le désert on s’assoit sur une dune de sable .On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence .Saint Exupéry
On ne va pas au Sahara sans ressentir un trouble .A.S.
Alain Sèbe filmé par Mohamed Zaoui pour son film sur le chanteur targui O.Baly.
Ici, ce n’est que nous-mêmes que nous cherchons. Et trouverons-nous quelque chose ?
Ernest Psichari
Alain Sèbe, photographe, arpente depuis près de cinquante ans le
Sahara qu’il considère comme le plus beau désert du monde.
Il est ce
« voyageur des Ajjers » au long cours. Ce qui retient chez lui, outre
son art de la photographie, c’est la manière tranquille dont il évoque une
aventure exceptionnelle. Et dans laquelle sa petite tribu -son épouse,
Mitsou et son fils, Berny, depuis son
plus jeune âge- a pris une part active.
« On ne
va pas au Sahara sans ressentir un trouble », avoue Alain Sèbe.
Le photographe a tissé de ses pérégrinations
sahariennes et du spectacle imposant et
inépuisable des « tassilis » les éléments d’une esthétique qui n’est pas sans résonnance
philosophique. Il n’est pas le
premier à être saisi par les immensités
du Sahara. Au photographe, elles donnent une idée presque palpable de l’infini
qu’il traque à travers instantanés et plans
dont la somme est une approche
subjective, humaine, qui donne à voir autant
la nature qui entoure le photographe que la sienne propre. « Le Sahara favorise les questions existentielles ou métaphysiques », note-t-il en
introduction de son Beau-livre.
Mais Alain
Sèbe reste un terrien solidement
arrimé au réel. Il n’est pas allé, à la
suite de tant d’exaltés venus d’Occident, pour entendre des « voix qui crient dans le
désert » (Ici, ce n’est que nous-mêmes que nous cherchons. Et trouverons-nous quelque chose ?
Ernest Psichari). Il goûte avec mesure
« les extases » sahariennes » et n’évacue pas de son regard ni
la poussière ni les insectes entre le Tin Tarabine, l’Igharghar et In-Azoua.
Il a
longuement parcouru les tassilis aux reliefs si singuliers que les vents ,depuis des temps immémoriaux, ont
sculptés au cœur du désert algérien,
posés comme une couronne sur le
Hoggar. Il a ainsi emprunté les pistes
nomades en compagnie des guides touaregs de l’Ahnet aux Ajjers, pas moins de
neuf régions du Tassili dont ils nous livrent quelques facettes dans des
photographies à couper le souffle.
Alain Sèbe aurait pu être écrasé par la majesté saharienne, privilégiant seulement ses reliefs et omettant
son essence. Car le désert loin d’être la porte du néant. Il vibre de
vies secrètes et d’hommes face à l’histoire et dans un combat âpre et sans cesse
recommencé pour leur survie. Autant sociale que culturelle depuis les premières
intrusions de la colonisation.
Aujourd’hui, ils sont dans une confrontation inégale avec un modernisme - autant attendu que
redouté. Selon un proverbe
touareg : »Dieu a crée un pays plein d’eau pour que les hommes puissent
vivre et un pays sans eau pour que les hommes aient soif. Il a crée un désert :
un pays avec et sans eau pour que les hommes trouvent leur âme ».
Il est bien facile de céder aux clichés quand il
s’agit du Sahara.
Paradoxalement, c’est la photo ici qui conjure le cliché. Les
paysages lunaires, les vents que nous fait presque entendre Alain
Sèbe n’ont rien de la posture glacée et
du vernis.
Ici un point d’eau, là un arbre chétif mais tenace,
apportent comme une grande respiration au panorama des immensités.
D’ailleurs,
ses reportages en avion de tourisme et en montgolfière apportent également à
ses photos des angles qui sortent de l’ordinaire.
Dans « Sahara au jour le jour », Alain
Sèbe et son fils , Berny qui l’ accompagné dans ses expéditions depuis sa
tendre enfance , aujourd’hui docteur en histoire de l’université d’Oxford, nous proposent une
sorte de « calendrier perpétuel ».
C’est aussi une sorte d’anthologie rassemblant 400
photos dont les prises de vue se sont
étalées sur plus de quatre décennies et
un choix de citations de diverses époques puisés dans la
tradition caravanière et des textes
d’auteurs divers.
Cela va des « classiques du désert », les intournables : Saint Exupéry (J’ai toujours aimé le désert on
s’assoit sur une dune de sable .On ne voit rien. On n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence) Frison-Roche,
à Rachid Boudjedra en passant
par Isabelle Eberhart dont la tombe est « au pays des sables ».
Dans un monde de plus en plus étriqué –en dépit des
vertigineux bonds technologiques-, il est salutaire de se pourvoir du Calendrier
selon les Sèbe pour entrevoir les promesses indéfinissables du
Sahara.
Si tu avais les secrets du désert
Si tu t'étais éveillé au milieu du Sahara
Si tes pieds avaient foulé ce tapis de sable
Parsemé de fleurs semblables à des perles,
Tu aurais admiré nos plantes,
L'étrange variété de leurs teintes,
Leur grâce, leur parfum délicieux.
Tu aurais respiré ce souffle embaumé
Qui double la vie,
Car il n’a point passé sur
L'impureté des villes...’’
L’émir
Abdelkader avait approché en mystique
ses mystères .
Alain Sèbe n’oublie
pas aussi de mettre en relief ce qui constitue la sève des communautés
sahariennes. Leur culture en grande
partie orale, mêlant récits de vie et de légendes sous le signe de la gazelle protectrice, une
« djenniya bienfaisante »
que l’on évoque avec respect et crainte dans les bivouacs et les longues
soirées.
Paysages humains en péril dont
nous avez entretenus Mouloud
Mammeri sans grand écho.
A.K.
________________
Alain Sèbe : Le Sahara des Tassilis,
Editions de la Martinière,
Sahara au jour le jour,
photographies d’Alain et Berny Sèbe, textes choisis par BernySèbe, Editions de
la Martinière
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