dimanche 17 novembre 2013

Un rêve méditerranéen

Chronique des deux rives Par Abdelmadjid Kaouah Un rêve méditerranéen (1ère partie) Un rêve méditerranéen a soufflé sur les rivages de l’Afrique du Nord, il y a bien longtemps, dès les années trente. Une époque trouble, lourde de cataclysmes futurs, dans une Europe ravagée par la grande crise de 1929. Sur les rives d’Alger, au soleil, cet astre qui rend, dit-on, la misère moins implacable, l’utopie méditerranéenne était en chantier et prenait par un effet journalistique un nom emblématique : « L’école d’Alger ». Jusqu’à là, en Afrique du Nord, et plus singulièrement, en Algérie coloniale, régnait l’Ecole Algérianiste. Elle se réclamait de Louis Bertrand, l’auteur du « Sang des races », tenant d’une latinité exclusiviste, développée par l’Ecole Algérianiste. Selon les termes de son Manifeste de 1920, elle prétendait à une « autonomie esthétique » par rapport à la Métropole. Dans les « Actes des Rencontres « Audisio, Camus Roblès frères de soleil » (Edisud 2003), J.C. Xuereb nous donne à lire une précieuse approche de cette fameuse « Ecole d’Alger des lettres. L’intitulé de sa contribution est on ne peut plus prudent. « L’Ecole d’Alger, mythe ou réalité » de Jean-Claude XUEREB. Elle se manifesta durant une quinzaine d’années, autour de Robert Rondeau. Pour Jean-Claude Xuereb « cette démarche, non dénuée d’arrière-pensées politiques…faisant allègrement l’impasse sur un millénaire de culture arabo-musulmane » afin de « rattacher cette présence française, dans une continuité historique, à l’Afrique romaine, puis chrétienne du Bas empire ». Cette Ecole, même sur le plan littéraire n’a pas laissé de souvenirs … Les écrivains de la génération suivante prendront leur distance d’autant plus que dans les années trente, « la référence à la romanité apparaissait d’autant plus suspecte qu’elle semblait faire écho aux revendications fracassantes du fascisme italien » (J-C.Xuereb). Ils chercheront ailleurs leur inspiration. Camus en créant en 1937 à Belcourt une maison de la culture intitulait son bulletin « Jeune Méditerranée » en prolongement des essais de Gabriel Audisio qui exaltait l’ouverture vers l’héritage grec. La constitution de ce qui fut dénommée « l’Ecole d’Alger » s’appuiera naturellement sur cet initiateur. Ses essais sur la Méditerranée ouvrent à la voie à un ressourcement dans un héritage méditerranéen plus affirmé et tendu vers l’universalité. Dans un communiqué attribué à Camus, « l’objet principal est de rejeter la mystique de la latinité telle que l’exploite la propagande fasciste » afin de maintenir « entre l’Europe méditerranéenne et l’Afrique la survivance de leur origine commune qu’est l’Orient ». Cet idéal ne pouvait que récuser toute forme d’inégalité ou de ségrégation ethnique ou appartenance religieuse. . La défaite française de 1940 face à l’Allemagne hitlérienne, l’occupation allemande conduisent à la rupture totale avec la Métropole. Alger devient en conséquence la capitale de la France Libre ou fleurissent les revues (Fontaine, l’Arche, la Nef) et la librairie « Les vraies richesses » et les éditions Charlot deviennent le lieu d’une effervescence intellectuelle notable. A cette mouvance qui compte Camus, Roblès, Max-Pol Fouchet, Jules Roy, Jean Pélegri, se joignent Jean El Mouhouv Amrouche et sa sœur Marguerite-Taos Amrouche. Pélegri. Plus tard, avec les « Rencontres de Sidi Madani », cette mouvance intellectuelle et littéraire elle fut sans conteste le lieu d’amitiés et de confrontation d’affinités communes de toutes origines autour de la revue « Forge » avec la participation de Mohamed Dib, Kateb Yacine, Malek Ouari, Ahmed Sefrioui… »Ceux d’entre eux, issus de la minorité européenne de l’Algérie, déplorent la mentalité « petit blanc » qui entache les relations humaines…» indique J-C Xuereb qui prit part très jeune à une rencontre de Sidi Madani (La Citadelle des Gorges de la Chiffa qui fut à l’époque une auberge de la jeunesse). Certains qui vécurent de près l’aventure littéraire algéroise ne sont pas loin de la considérer comme un brillant et éphémère …canular. S’il n’y eut point de chapelle consacrée, l’idéal de la fraternité humaine avait fait une percée .Ecole fantomatique à l’appellation d’origine non contrôlée, elle aura cristallisé la rencontre d’écrivains nés ou ayant longtemps vécu « sur un même rivage de soleil ». Dans « Le Mythe al- Andalous et les écrivains algériens », Xuereb ajoute : (…) Dans la mémoire des hommes, l’histoire d’al – Andalous est demeurée un modèle vivant de coexistence conviviale. Dès le XII ème siècle, un historien maghrébin, al – Maqqari a présenté, à l’intention des lecteurs arabes, une histoire générale d’al – Andalous, dont il avait lui-même vécu la fin avec l’expulsion des Morisques. Les écrivains arabes des XIX ème et XX ème siècle ont perpétué l’image d’un ‘’paradis perdu’’ andalou dans une perspective romantique et nationaliste. De leur côté, les historiens espagnols, après avoir longtemps minimisé l’importance de la période arabo – andalouse, voire nié la réalité même de celle-ci, ont de plus en plus largement fait référence, surtout depuis l’avènement récent de la démocratie dans leur pays, à l’univers pluriel d’une ‘’Espagne des trois religions’’… Le mythe andalou a traversé, de manière plus ou moins explicite, le rêve méditerranéen créé et entretenu par toute une génération d’écrivains à partir des années 30, ceux auxquels a été ensuite appliquée l’appellation quelque peu artificielle d’Ecole d’Alger’’ ». La mémoire entre les deux rives de la Méditérranée , à juste titre se retisse - en dépit des vicissitudes de l’histoire - à travers de grands noms, symboles respectés et admirés . Ce fut le cas en 2007, pour le Centenaire de Jules Roy, i célébré en Algérie comme en France En l’an de grâce 2013, , la mémoire se toure simultanément 40ème anniversaire de la mort vers le poète Jean Sénac dont c’est la quarantième anniversaire de son tragique assassinat que les Centenaires d'Albert Camus ( Montauban accueille à cet égard une grandiose rencontre autour de la figure et de l’œuvre d’Albert Camus sur laquelle nous reviendrons dans les colonnes d’Algérie News ) et de Mouloud Feraoun – assassiné par l’OAS en mars 1962 -avec d’autres collègues-dont la vie et l’œuvre furent au centre rencontre-hommage qe lui dédia le Salon international du livre d’Alger (Sila 2013) sous la houlette de l’universitaire-chercheur français Charles Bonn et Rachid Mokhtari, romancier et essayiste algérien en présence du fils de l’auteur du « Fils du pauvre »…D’autres hommages ont été rendus dans le cadre du Sila , notamment à ceux qui nous ont quittés récemment : la romancière ,précocement disparue , Yamina Mechakra ; la moudjahida , journaliste et poétesse Zhor Zerari ; Henri Alleg, l’auteur de « La question » qui n’est plus à présenter ; le militant de la cause algérienne et homme de théâtre, Habib Rédha ainsi que le poète syrien , traducteur avec son épouse le Dr. White Queen d’écrivains algériens francophones. Mais la mémoire a aussi ses oubliés, ce que l'on ne convoque trop rarement, dont l'action, pourtant attestée a sombré dans l'oubli, dont les œuvres ne sont au programme d'aucun établissement scolaire et inspirent peu les jeunes chercheurs, nous écrit le comité qui s'est constitué en vue d'une célébration, en France et en Algérie, du Centenaire d'Emmanuel Roblès, par le biais de multiples manifestations. En effet, bien oublié- sans que l'on puisse s'expliquer pourquoi- Emmanuel Roblès (Oran 1914-Paris 1995). Or, son œuvre compte vingt romans et une dizaine de recueils de nouvelles, douze pièces de théâtre comiques ou dramatiques, plusieurs recueils poétiques. Elle est incontestablement considérable, de portée universelle, embrassant le siècle et une thématique multiforme: les violences et les guerres, l'identité, la liberté, le terrorisme, les prises d'otages, mais aussi l'amour, la passion, l'adultère, la famille... Elle nous interpelle et concerne toujours .Honorée de prix importants, elle conduisit son auteur jusqu'à l'académie Goncourt où il siégea pendant plus de vingt ans. Son action éditoriale, nous rappelle le Collectif-Roblès (pour faire vite) ne fut pas moins importante : en Algérie, Roblès participa avec enthousiasme à la vie culturelle, à la radio et dans de multiples revues, créant lui-même Forge en 1947, où débutèrent plusieurs écrivains maghrébins tels que Kateb Yacine, Mohammed Dib et Malek Ouary. En France, il a fondé dès le début des années 50 la collection "Méditerranée" aux éditions du Seuil, travaillant inlassablement à la découverte de nouveaux auteurs des deux rives. Bon vent donc à l’entreprise initiée (voir encadré) à partir du Fonds Roblès (Limoges-Montpellier) et à l'initiative de son ayant-droit, Mme Jacqueline Roblès Macek ! En diffusant l’information sur les initiatives pour le Centenaire d’Emmanuel Roblès, nous avons euce retour de notre ami l'écrivain Gil Jouanard: « Je l'ai rencontré (et même accueilli à la gare) à Oran, en 1963 ou 64. Il venait faire une rencontre (à la librairie Manès je crois, et au Centre Culturel Français). Je lui ai fait un entretien me semble-t-il pour La République/ El Djoumhouria. Peu de temps auparavant (ou un peu après, je ne m'en souviens pas), c'était au tour d'Henri Alleg de venir d'Alger. J'ai aussi publié un long poème de Sénac, qui était venu aussi d'Alger avec ce train qui alors mettait un temps infini ; et Jean était venu uniquement pour assister à la tombée du journal et repartir avec sous le bras un paquet d'exemplaires (il avait tenu à dormir dans l'atelier d'impression du journal afin d'être là pour la tombée et était reparti aussitôt à la gare !!!). Quelle époque ! Et quels hommes ! Roblès était extraordinairement chaleureux". Un témoignage qui se passe de commentaire. A.K. Encadré : Calendrier des manifestations et publications prévues (non exhaustif) 1. Exposition : L'exposition "Emmanuel Roblès, une oeuvre, une vie", conçue par la bibliothèque francophone multimédia de Limoges sera mise à disposition de tous les organismes, associations ou médiathèque qui en feront la demande. Sa présentation pourra être accompagnée d'un programme de conférences sur Roblès et son oeuvre. Contact : Franois Ruault, Bibliothèque francophone multimédia, 2 place Aimé Césaire - 87 032 Limoges Cedex , mel : fruault@bfm-limoges.fr 2. Colloques : - 6 décembre 2013, Ministère de l'Education nationale, Paris : Journée d'étude de l'Association des Amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et de leurs compagnons : "Mouloud Feraoun et Emmanuel Roblès : l'action des Libéraux". Contact: Jean-Philippe Ould Aoudia 191 avenue V. Hugo - 92140 Clamart - aoudiajph@wanadoo.fr - 7-8 avril 2014 : Université Paul Valéry- Montpellier 3 : Journee d'étude de l'IRIEC, composantes "Mondes hispaniques" et "Francophonies - Interculturalités" : Max Aub et Emmanuel Roblès Contact : Prof Guy Dugas et Michel Boeglin, IRIEC, Université Montpellier III, 34199 Montpellier Cedex 5 - michel.boeglin@univ-montp3.fr - 14 mai 2014 : Célébration du Centenaire de la naissance d'Emmanuel Roblès. Vézelay, Maison Jules Roy (à confirmer). Présentation du volume Roblès chez Charlot (éditions Domens) - 6, 7 et 8 novembre 2014 : A Limoges, colloque international Emmanuel Roblès et le théâtre. Le Théâtre d'Emmanuel Roblès, organisé par l'IRIEC, le Fonds Roblès (BIU Lettres, Université Montpellier 3) et la Bibliothèque francophone multimédia de Limoges Contact : Prof Guy Dugas, IRIEC, Université Montpellier III, 34199 Montpellier Cedex 5 guy.dugas@univ-montp3.fr appel à comm : http://www.fabula.org/actualites/emmanuel-robles-et-le-the-tre-le-the-tre-d-emmanuel-roblescolloque-international_59638.php. 3. Cours et séminaires Aux premiers semestres des années universitaires 2013-2014 et 2014-2015, l'Atelier de génétique textuelle du Professeur Guy Dugas au sein des masters Lettres et Etudes culturelles de l'université Montpellier 3 sera intégralement consacré à une approche génétique de la célèbre pièce Montserrat. 4. Publications : - Guy Dugas : Roblès chez Charlot. Ed. Domens, Pèzenas. - Correspondances d'Emmanuel Roblès, en particulier avec Max Aub, les frères de soleil : Tahar Djaout, Mouloud Mammeri, Driss Chraïbi, etc. - Emmanuel Roblès : Ecrits sur le théâtre - Actes du colloque du Centenaire, Limoges 7-8 novembre 2014. Pour tout contact : Guy DUGAS Directeur de l'IRIEC - EA 740 Université Paul Valéry - 34199 Montpellier Cedex 5 (Fr.) tél bur : 04 67 14 24 34 - port : 06 63 64 50 89 http://www.limag.com/Pagespersonnes/Dugas.htm

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