vendredi 6 novembre 2009
KATEB YACINE LE FLAMBOYANT
Vingt ans déjà qu’il nous a quittés. A prononcer son nom, c’est déjà entrer dans la légende. Kateb Yacine. Mais l’homme était plus simple que sa légende, prenant le temps de discuter avec les plus humbles des choses les plus complexes. Contradictoire, il l’était, car épris de dialectique et de questionnement. Sans verser outre-mesure dans l’effusion vaniteuse, il nous revient en mémoire des moments fulgurants où nous pûmes l’approcher. Tant de gens par ailleurs ont du le rencontrer en toute simplicité. Il faut lire ou relire : « Kateb Yacine le cœur entre les dents »de Benamar Médiene (Robert Laffont, 2006), cette « biographie hétérodoxe ».
C’est avec l’histoire que Kateb Yacine avait eu surtout rendez-vous. A lui seul, il symbolise la littérature algérienne et la résonance de son œuvre a dépassé les frontières de son pays. L'homme autant que l'écrivain déroute toujours les approches traditionnelles. Pour Kateb Yacine, l'aventure poétique a commencé avec le grand séisme du 8 mai 1945 qui vit la répression de milliers d'algériens à Sétif et Guelma. Arrêté, témoin des massacres, Kateb Yacine trouvera dans les événements du 8 mai la matière d'une inspiration qui se hissera au rang d'un mythe. "L'œuvre de Kateb Yacine est un lieu singulier où se mêlent, se perdent et s'enchevêtrent thèmes et images empruntées simultanément aux obsessions d'une sensibilité par l'étrange personnage de Nedjma, aux épreuves, précisément évoquées, du combat national et du passé historique ou mythique de l'Algérie : rarement un destin individuel, un moment de l'histoire d'une nation et les traditions les plus lointaines d'un peuple ont été aussi intimement liés". Ces lignes ont été écrites en 1967. Elles ne seront pas démenties jusqu'à sa mort en 1989.
Dans ses romans comme dans son théâtre, c'est la vision poétique qui l'emporte. Dès 1946, il avait publié un premier recueil de poésie Soliloques. Dans Nedjma ou le poème du couteau, (Mercure de France, 1948), on trouve les éléments constitutifs de l'œuvre à venir. De là naîtront romans et pièces de théâtre : Nedjma, en 1956, Le cercle des représailles en 1959.Pendant longtemps les œuvres de Kateb Yacine n'ont été connues que sous forme d'extraits poétiques. L'œuvre -phare restera cependant Nedjma autour de laquelle s'organisent ses autres productions.
Nedjma est à la fois la mère, la "femme sauvage", "la rose de Blida" (sa mère de a sombré dans la folie après les événements du 8 mai 1945), "l'Algérie", patrie frappée par le malheur et hantée par les ancêtres qui "redoublent de férocité". Nedjma est au centre de l'œuvre katébienne. C'est la "métaphore matricielle qui médiatise accès au passé mythique et à l'événement historique, elle ne cesse pas d'être une figure centrale qui suscite les énoncés lyriques, l'amour fragile, les discours flamboyants et les désirs apaisés"("Kateb Yacine" par Saïd Tamba. Poètes d'aujourd'hui. Seghers, 1992).
Tous ses récits sont imprégnés d'une poésie qui libère un imaginaire débridé construit de façon touffue et récusant la chronologie. Abdelkader Khatibi, dans Le roman maghrébin parle de "délire poétique". C'est la violence de l'homme et du monde que Kateb Yacine s'est constamment efforcé de dire et de traduire à travers la forme d'un dialogue dramatique."C'est toujours la même œuvre que je laisserai, certainement comme je l'ai commencé", disait-il. Dans le poème, Scorpion, on peut lire et entendre les ressorts lyriques profonds de sa démarche.
"Pareil au scorpion
Toute colère dehors
J'avance avec le feu du jour
Et le premier esclave que je rencontre
Je le remplis de ma violence
Je le pousse en avant ma lance déployée
Et que la verve des scorpions le prenne
Et que le vent l'enlève
Chaque jour plus léger"
Universitaires et chercheurs diront de façon plus savante et l’importance et la polysémie de son œuvre multiforme.
Cette chronique n’est qu’une manière de salut ému.
A.K.
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1 commentaire:
Le sourire de Kateb sur la photo est déjà si humble.
Merci beaucoup, Madjid. Je viens de découvrir ton blog.
Mouloud
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