lundi 27 septembre 2010

Emmanuel Hiriart: À SOLEIL OUVERT




Abdelmadjid Kaouah est né en 1954 à Ain Taya – la «Source aux Oiseaux» – près d’Alger. Tahar Djaout, qui l’avait retenu dans son anthologie Les mots migrateurs écrivait que « ses poèmes tendent vers la plénitude et […] laissent bien peu de choses hors de leur inventaire : il y circule de la révolte et des confidences d’amour, de la protestation et de l’espoir mais aussi tant de lumières douces qui font rêver, tant d’évocations d’arbres et de rochers, tant d’oiseaux annonciateurs de terres et de saisons heureuses… ».
Désormais les oiseaux – ceux de la Source natale ? –, qui gardent valeur d’espérance, ne peuvent plus cacher leur fragilité :

« Nous savons à présent
que les oiseaux sont mortels
qu’ils survivent de pitiés nocturnes
par les sentiers fragiles
dans les jungles de la morale ».

La danse macabre se mêle à la célébration de la vie

« Le savoir est une bouche en convulsion
et la mort a berné tout le monde
elle se tord les hanches et rit des hommes ».

À Toulouse, terre d’exil du poète la lumière s’assombrit. La figure du Minotaure, « totem psychopathe » ivre de violence, hante les poèmes et la rue du Taur. Dans la mémoire de l’exilé un jeu d’écho s’éveille entre les rives et les temps de la Méditerranée, entre la croisade des Albigeois et les égorgeurs de l’Algérie contemporaine.
Reste l’espoir, comme chez Hölderlin d’une lumière grecque originelle, Ulysse ou Orphée revenu de l’enfer découvrant

« la simple la terrible pureté
d’exister – réfractaire
à l’embouchure
des oracles et des cataclysmes »

sous l’ironie libératrice d’un ciel sans

« rien d’immortel
sinon l’absence
dans la dérision
des nuages ».

Restent les trésors gourmands des souvenirs d’enfance et des lectures remémorées. Reste la mer, et l’utopie de la mouette :

« Et la mer restera toujours aussi belle, et les mouettes rebelles aux vagues ».

La mouette est rebelle comme ce « peuple algérien » dont le poète évoque « la vigueur et l’espérance » : « au plus noir de la nuit, il a su tenir, résister, avec, à ses côtés, des écrivains pour rêver » ; mais l’oiseau du poème n’hésite pas à hanter aussi d’autres rivages, comme ceux de la Grèce et de la Suède dans L’Ode à Katarina Angélàki et Skärgärden . Partout lui reste l’amour fou pris dans la lumière douce amère du prisme verlainien :

« je découvre une nouvelle
porteuse de soleil
ni tout à fait pareille
ni tout à fait dissemblable
à l’aimée . »

EMMANUEL HIRIART


Emmanuel Hiriart Neuf poètes algériens : À SOLEIL OUVERT, Dessins de Tibouchi EDTINTER, ,2010

Aucun commentaire: