lundi 27 septembre 2010

TRIPTYQUE TIBOUCHI INFINIS PAYSAGES ET SIGNES




I
Scott Fitzgerald et Hamid Tibouchi convoqués dans l’espace d’une même errance ?
Il faut convenir que le rapport est plus qu’hasardeux, peut-être saugrenu.
Mais allez savoir comment certaines associations d’idées, de visages, de paysages ou de sensations s’imposent à vous ? Au demeurant, il y a toujours, quelque part, un subtil déclic à l’origine d’une dérive : Tendre est la nuit de Scott Fitzgerald, une flânerie, repérée, répétée, répercutée, à travers les vers du poète Hamid Tibouchi, déjà passant passé, discret, à peine le souvenir d’une voix, d’un pas, en méditation dans les replis de ses paysages de peintre :
« finisse la nuit, que l’on dresse/ la forteresse des caresses »-
et voici de quoi construire une cohabitation de paysages et d’itinéraires dont le tableau à première vue paraît fantaisiste.




II

Mais l’enfant, en ses postures diverses, se fortifie quelque que soit l’horizon vers lequel son regard se porte...
Il est déjà aux saisons de la clameur


L’amitié ne serait-elle qu’un accident de l’enfance, de ses premiers émois dans l’espace à la fois enclos et découvert, balisé et illimité.
Le voici l’enfant le rêveur, le doux bambin ou l’espiègle gamin qui joue des tours à la faune des copains ;
Il peut être bruyant, importun, escalader les arbres chétifs, faire voler en éclats leurs branchages.
Il peut tracer sans craie le cercle et inscrire sa volonté et dicter la règle du jeu aux autres, aux copains, plus tard aux voisins, aux riverains, aux passants à une nation.
L’enfance d’un chef sans moustache, juste parce qu’il sait le premier quels fruits cueillir sans se faire attraper, distancer la bande et se réjouir après l’escapade de ses déboires.

Mais l’enfant peut être silence, distance, discrétion et regards patients passant de l’hirondelle au galet, de l’insecte, la petite fourmi au nid fragile au bout du noyer, l’enfant c’est peut-être une gaule agité dans un matin de besoins au faîte de l’olivier.
La consomption d’une huile de la lampe comptée comme des sous en vue d’une noce sans cesse ajournée, parce qu’il a trop neigé ou parce que l’été a été implacable.
Ou parce que la promise n’est pas encore nubile et qu’on se méfie des nouveaux colporteurs de parole qui proclament que la poésie des anciens est caduque et proposent un nouvel alphabet...
Mais l’enfant, en ses postures diverses, se fortifie quelque que soit l’horizon vers lequel son regard se porte...
Il est déjà aux saisons de la clameur
ou du geste, de l’accueil, discret mais fertile comme la graine inattendue dans ses floraisons épanouies.
La chrysalide poursuit son travail obscur, minutieux, obsédant, maniaque remettant sans cesse à l’endroit les cours d’eau de la passion.






III

Une grande leçon de silence, d’humilité déployée entre les lignes, les haies, les barbelés du quotidien.
Neige et mimosas en hommage à un jongleur des mots saisi par une sanglante éternité.
Nous lisons les poètes et frôlons les peintres.
Leurs paysages vont pourtant par deux.
Couples enlacés dans la lumière des sous-bois, des clairières, à l’orée de leur rayonnement intérieur.
Hamid Tibouchi, déjà passant passé, discret, à peine le souvenir d’une voix, d’un pas, en méditation dans les replis de ses paysages de peintre :
« finisse la nuit, que l’on dresse/ la forteresse des caresses »-

Inachevé Tryptique.
Le compagnon s’est longtemps posé la question sur ce qui se cache derrière les mots : le jongleur en a-t-il percé le secret.
Et de son extrême voyage ramènera-t-il un jour la réponse.
De retour des neuf étapes de la matrice.
Pour l’heure le Compagnon rassemble hors des toiles des chevalets des cimaises les pièces éparses de la fureur du taureau.
Cela ne ressemble en rien à une fable.
Seulement deux mains guidées par un obscur instinct qui vont avec sûreté légèreté droit au cœur du silence, et installent la royauté par signes minuscules.



Tryptique Inachevé.
La parole s’éclipse parfois comme un acteur saisi par l’amnésie.
Neige et mimosas en hommage à un jongleur des mots saisi par une sanglante éternité.
Nous lisons les poètes et frôlons les peintres.
Quand ils ne sont qu’un, nous appelons à la rescousse la musique.
Etale comme une mer d’enfance, à peine liquide, translucide et vibrante de paresse.
Les rayons du soleil ricochent sur sa chair, elle semble mugir comme une bête prise de désir.
Taïk Kouk, le rut épique qui embrasait la nature alors que les parents cachaient sous d’épais tissus de pudeur la marmaille impudente.
Le rawi le clairchantant est passé ce matin très tôt, a dit son isefra aux quatre vents.
Paix à la terre qui monte douloureusement vers le ciel et ses chemins qui saignent
Sur les baies des saisons.

L’eau était claire, l’amphore gracile et l’isefra énigmatique.

Comme un acteur saisi d’amnésie, le poème se dérobe sous les pas du danseur. Il a juste bu à la source du village.
L’eau était claire, l’amphore gracile et l’isefra énigmatique.
Le rawi est passé ce matin très tôt, a dit son énigme.
Qui la déchiffrera. L’Ancien est en terre.
Puis simplement a tracé sur le front du premier enfant réveillé le signe du Bien.
Et le Bienfaisant est parti l’aurore à peine sur ses genoux.


L’Enfant a rejoint les rouges-gorges dan la profondeur des taillis.
C’était là où il avait rendez-vous avec la Nuit du destin ; depuis, il la guette et elle nourrit son rêve de furtives apparitions. D’insectes, de bêtes, de bouts de ficelles, de mottes de terre ocre, de sables aveuglants, de sabres mystiques.
Ni poème ni peinture n’épuisent les noces folles.
Seule, la musique, en mer insondable, recueille quelques murmures des ébats du ciel et de la terre.

Tryptique Inachevé.
Inachevé Tryptique.

(Inédit dans Que pèse une vitre qu’on brise ?)

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