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CHRONIQUE DES DEUX RIVES
Parue dans Algérie News du dimanche 15 juin 2014 Ce dernier, rare parmi les rares, hommage et reconnaissance pour avoir accompagné, évoqué, écrit, visité, honoré M’hamed Aoune. Sa présentation dans « Poésie vivante », en 1967, a fait date dans la connaissance du poète M’hamed Aoune. Les ans ont ralenti les pas de cet albatros terrien, en perpétuel mouvement depuis sa primeen fance, mais sa passion du monde et de son pays restent si vives.
J'ai eu encore une fois à le constater récemment. Nous avons parlé
de Shakespeare, de Sénac, d’Abou El-Kacem Chabi, de Massignon, d'Ibn- Khaldoun, de Mammeri... et de tant d'autres. J'attends…
sans avoir besoin de terminer sa phrase, m'a-t-il confié l'année passée et
redit l’été dernier. Et pourtant, c’est bientôt un autre été qu iva à sa
rencontre. Miracle de la vie. Même si, m’a-t-il avoué, ma main ne répond plus à
la plume. Il a tant écrit. Et sa poésie est ailleurs dans sa parole, comme l’a
bien observé Arezki Metref. Il dit. Parle. Rit. Se tait. Voyage dans l’invisible
poétique. Comme disait Lacheraf, le langage est la seule jeunesse. M’hamed
Aoune c'est une
parole avant tout. Langage d'un homme qui fait 86 ans et dont la
voix et le rire résonnent comme ceux d'un jeune homme à l'orée de la vie. C’est
John Ford, le cinéaste-poète, qui affirmait :
« Quand la légende dépasse la réalité, alors, on publie la légende. »
On ne sait s’il a pris le Sidi Okba ou le Ville d’Oran pour
débarquer à Marseille, un matin de 1950 …. M’hamed Aoune n’est pas très précis
sur ses pérégrinations. Un premier départ vers Tunis où il est allé fréquenter
la Zitouna. Dans ses propos, revient souvent la bonne ville de Strafford-upon- Avon
et Shakespeare, souvenirs d’un voyage en Angleterre. Bien sûr, Paris. Paris qui
se refaisait une santé. La Tour Eiffel toujours debout, même si, sur son faîte,
la croix gammée avait flotté durant longtemps, à peine cinq ans plus tôt.
M’hamed Aoune à Paris fera le manoeuvre et, parfois, peintre en bâtiment. Et
fréquentera les langues O., orientales, bien sûr. Elève de Massignon, d’AlbertMemmi,
de Berque. En autodidacte. Quand il le peut, il pénètre dans le temple de la
Comédie française. Ainsi, bavardera-t-il durant l’entracte avec un Polonais,
dont le visage lui disait quelque
chose... Tout simplement Cybulski, « le James Dean polonais », l’acteur
fétiche de Wadja. Le héros tragique de « Cendre et diamant»et dont le visage
était affiché sur les boulevards de Paris.
Mais M’hamed Aoune y avait jeté un regard distrait. Si distrait qu’il perdra le manuscrit de sa pièce dans la cohue du métro ! Une pièce qui retient un moment l’attention du metteur en scène, Jean-Marie Serreau… Ce dernier, finalement, montera en 1958 « Le Cadavre encerclé » de Kateb Yacine. Il fera la connaissance de prestigieux
Mais M’hamed Aoune y avait jeté un regard distrait. Si distrait qu’il perdra le manuscrit de sa pièce dans la cohue du métro ! Une pièce qui retient un moment l’attention du metteur en scène, Jean-Marie Serreau… Ce dernier, finalement, montera en 1958 « Le Cadavre encerclé » de Kateb Yacine. Il fera la connaissance de prestigieux
écrivains. Comme ces Noirs-Américains exilés à Paris. Il
rencontrera ainsi le grand Richard Wright au foyer de l’Ugema autour du
poêle par un hiver rigoureux.
M.
Aoune serait le seul ou l’un des rares journaliste algérien à avoir interviewé « le
commandant « Ché »Guevara…
Une retraite anticipée. Et le début d’une autre traversée du désert. Un poète,
desurcroît militaire, que pouvait-il comprendre aux jeux et enjeux
impénétrables des civils. Dans une caserne, les choses sont plus simples,
la hiérarchie sert de philosophie. « Khaldoun », puisque c’était son « nom de
guerre », goûta plus qu’il
ne faut aux maquis de la bureaucratie civile.
On
raconte que l’ancien président de la République, Chadli Bendjedid, venant
inaugurer une maison de la culture, le héla par son « nom de guerre » Khaldoun
et conversa un moment avec lui sans façon. Le président le connaissait. Les
bureaucrates moins. Lui et, encore moins, sa poésie. Or, sa double culture, son
statut d’ex-militaire faisaient de lui un inclassable. Poète, il pouvait être
encombrant pour sa tribu, sa famille. Lui, était partisan de « la tribu des
mots ». Son écriture entre les psaumes de Claudel, l'hermétisme de Mallarmé et
les kacidate antéislamiques l'ont réduit à tort au cliché de poète symboliste à
contre-temps. Si symbolisme et hermétisme il y avait, c’était initialement
comme un stratagème poétique, nécessaire au militant nationaliste. Malentendu
aggravé par son patriotisme échevelé. Poète de la parole tellurique, surtout.
Il suffit de relire « Après les grottes » (1959) :
Il suffit de relire « Après les grottes » (1959) :
Le
promène sur un cactus.
Dans
la cohue des échos des efforts nuls,
Devant
le mépris et la douleur verdâtre des murs
Malades
à l’écoute des fontaines si rares
Mais
si belles que les jasmins et les roses’’
A
la fin des années soixante, «El-Djeïch» publiait en page 4 de couverture l’un
de ses poèmes. « La nuit dynamitée », en quadrichromie ! Une consécration,
pouvait-on déduire. Or, il y a quelque chose de pathétique dans cette fausse apparente
consécration. Pour preuve : dans le « Diwan algérien » de J. Lévi-valensi et
J-E. Bencheikh (qui fut pour la génération de poètes en herbe une sorte de
Bourse des valeurs poétiques de la génération qui nous a précédés ou de celle
que nous côtoyons) à M’hamed Aoune, il est écrit « né à Aïn Bessem, le
27septembre 1927. N’a publié aucun recueil ». Une présentation laconique et
d’une implacable
actualité
… M’hamed Aoune n’a toujours pas vu de sa poésie profuse paraître le moindre
florilège!
A.K.
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*Poésie
de Sour El-Ghozlane, texte ronéoté et, en hors-texte, le fac-similé du
manuscrit de Jean-Sénac, avec un dessin de couverture de Denis Martinez, Sour
El-Ghozlane, L'Orycte, 1981.
**Retour
à Sour par Arezki Metref, Le Soird’Algérie, 02/03/2008.
Iconographie
Photos
: M'Hamed Aoune jeune parmi les jeunes à Sour El Ghozlane (fin des années quarante-début cinquante ?) dans un "café maure".
Le poète à Paris . dans les années cinquante.
Le poète en treillis
M'Hamed Aoune aujourd'hui aux côtés de sa sœur
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