CHRONIQUE DES DEUX RIVES
Par Abdelmadjid Kaouah
« Je
publiais aussi un long poème de Jean Sénac, qui était venu en train depuis
Alger pour assister à la tombée du journal et repartir avec un paquet
d’exemplaires sous le bras : il avait dormi dans un coin de l’atelier
d’imprimerie, m’ayant demandé de le faire réveiller au démarrage des rotatives
; il était enveloppé dans une couverture qu’il avait amenée avec lui en train,
enroulée autour de son corps comme on le voit sur les images des soldats de la
guerre de 14-18 ! »
Gil Jouanard
-que nous citions dans la première partie de cette chronique consacrée au
fameux « rêve méditerranéen » qui a fait long feu- est un poète, un écrivain de
grande classe, reconnu. Mais l’on connaît moins l’homme qu’il est, son
itinéraire pourtant long et riche en évènements. Nous avons eu avec lui il y a
quelque temps un long entretien auquel il n’est pas superfétatoire d’y revenir
tant s’y mêle un parcours autobiographique et la grande histoire,
particulièrement celle qui concerne l’Algérie des années de braise et du grand
rêve postindépendance.
Gil
Jouanard, est poète, romancier, essayiste de renom. Il est cependant conscient
d’écrire « une littérature atypique, volontiers intimiste, et très imprégnée de
connotations culturelles donc, sinon difficile (ce qu’à mon avis elle n’est
pas), du moins apparemment vouée à n’avoir qu’une audience restreinte, mais
durable et profonde ». Ses « modèles » n’ont jamais été des best-sellers. Il ne
contourne pas notre question mais il est convaincu qu’on « les lit encore
cinquante ans, cent ans, deux cents ans, cinq cents ans après leur mort. Je ne
dis pas que je suis de cette trempe, ce serait bien prétentieux ; mais je
n’écris que pour une poignée de lecteurs de proximité, de proche en proche,
sans me soucier de l’ « audience » (cela ne servirait du reste à rien,
mes préoccupations étant constamment en marge ou à l’écart de ce « dont on
parle », des « thèmes » de l’époque (quand je ne les prends pas à
rebrousse-poil avec mon tempérament volontiers farceur et contestataire. Les
éditeurs font ce qu’ils peuvent. Même la critique m’a très correctement traité
dans le passé. Mais cela ne change rien aux faits : je suis un auteur plus
apprécié de ses confrères et de quelques journalistes ou universitaires que du
« grand public ». Il n’empêche qu’il fut « lancé » grâce à René Char : «
découvert par René Char » : mais c’est de sa faute, à Char, dit-il, ou du
moins à cause de sa gentillesse à mon égard ; je ne lui avais jamais demandé de
suggérer à P.J. Oswald de mettre, en bandeau à mon premier recueil, « René Char
recommande la lecture de ce livre » ; il le faisait par amitié, à la demande
d’Oswald, qui le fit dans l’espoir de vendre quelques dizaines d’exemplaires de
plus de ma « plaquette », au demeurant de facture assez naïve ».
Et d’ajouter,
caustique comme il sait l’être quand il se refuse aux clichés : Écrivain, oui,
certes, puisque j’écris et publie (beaucoup, sans doute même trop). Mais, à ce
compte, le premier Sully Prudhomme venu l’est aussi ; pourtant il n’écrivit que
des imbécillités…
Si l’œuvre
reste difficile d’accès à au grand public, l’on connaît encore
moins l’homme qu’il est, son itinéraire pourtant long
et riche en évènements marqués au coin par la grande histoire au début
des années 50/60. Dès les premiers pas de l’indépendance
algérienne, il avait décidé, après son service militaire, de rester en
Algérie pour aider le pays qui s’était vidé soudainement de près d’un
million de pieds-noirs. Pourquoi et comment a-t-il franchi le pas ? Engagé
comme stagiaire au service de la recherche radiophonique de la RTF, je saisis,
dès décembre 1962 (j’avais été « libéré » en septembre), l’occasion de revenir
dans l’Algérie à peine libérée, afin d’y participer avec enthousiasme, à
vingt-quatre ans, au démarrage de ce qui me tenait à cœur : la vie culturelle
d’un pays neuf. Résumons : très vite, je fus chroniqueur, malgré mon jeune âge
(mais alors les énergies et les compétences manquaient), à la RTA (à la fois à
la radio et à la télé, station d’Oran). Puis, quand se créa La République-El
Djoumhouria dans les locaux de l’ancien Echo d’Oran, j’y fus aussitôt engagé
(après avoir écrit un ou deux articles à titre d’ « essai ») comme secrétaire
de rédaction (je « traitais » les dépêches d’agence), puis critique de théâtre
et de littérature ; et enfin, à la fois, grand reporter (à travers l’ensemble
de l’Ouest algérien) et responsable des pages culturelles (où je contribuai à
la publication des p remiers textes des jeunes – plus jeunes que moi –
Mohamed Belhalfaoui et Malek Alloula.. ».
Et là ,
comme si la légende rejoignait le fait historique, il nous raconte cet épisode
édifiant sur la passion poétique et algérienne de Jean Sénac lors de son
passage à El-Djoumhouria : « où, nous dit-il, je publiai aussi un
long poème de Jean Sénac, qui était venu en train depuis Alger pour assister à
la tombée du journal et repartir avec un paquet d’exemplaires sous le bras : il
avait dormi dans un coin de l’atelier d’imprimerie, m’ayant demandé de le faire
réveiller au démarrage des rotatives ; il était enveloppé dans une couverture
qu’il avait amenée avec lui en train, enroulée autour de son corps comme on le
voit sur les images des soldats de la guerre de 14-18 !!! ». Gil Jouanard tient
à préciser à préciser : » Je ne suis pas « resté » en Algérie ; j’y suis
venu de façon délibérée, militante, par esprit de solidarité. J’avais refusé de
m’y battre et y avais fait partie de ces « soldats du contingent » qui, plus
nombreux qu’on ne l’imagine (ce que, curieusement, on ne dit nulle part : mais
il est vrai que, au Train des Equipages, nous étions en majorité des
sursitaires d’esprit libertaire, très politisés quoique sans partis, sans doute
un peu atypiques !) avaient rejeté cette guerre (déjà, quoique très jeune, nous
avions pour la plupart été opposés à la guerre en Indochine et étions
violemment anticolonialistes). L’occasion s’étant présenté d’y revenir dès ma «
libération » (je l’ai dit, j’étais, six mois durant, appartenu à l’équipe radio
du service de presse, où nous étions tous contre cette sale guerre ; nous
n’avions du reste à nous cacher que des officiers sympathisants de l’OAS, que
nous connaissions (parfois prévenus par d’autres officiers, anti-OAS, qui nous
mettaient en garde contre ces fadas criminels, car les autres étaient soit des
gaullistes fidèles, ralliés donc à l’idée de l’autodétermination, soit même des
types bien, révulsés à l’idée d’avoir à faire ce sale boulot (j’ai même connu
un capitaine de spahis, ancien saint-cyrien, qui y était
devenu…antimilitariste, en tout cas contre cette armée de répression !).
Des
vicissitudes de l’ordre de la vie privée (une tumultueuse liaison amoureuse,
avoue-t-il) furent causes de son départ précipité, en février 1965. Et, rentré
en France, il devint, selon sa formule, un «professionnel de la culture», dans
l’édition encyclopédique, puis dans un Théâtre National dont il fut directeur
de l’information et de l’action culturelle, puis dans un centre culturel
emblématique (à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon) où il créa la première
cellule de création et d’animation littéraire en France et, peut-être, en
Europe. À partir de là, sa « carrière » se diversifie, prend une tournure à la
fois institutionnelle et aventureuse. Il crée quantité d’instances et prends
une multitude d’initiatives (Fête du livre d’Aix-en-Provence, Rencontres
Poétiques Internationales de la Chartreuse, Centre des lettres de Languedoc-Roussillon,
commission « Lettres » de l’Assemblée des régions d’Europe, commission «
résidences d’écrivains » du CNL, etc.). Dans la prochaine chronique nous
aborderons ses relations multiples avec l’Algérie et de nombreux auteurs
algériens, disparus ou vivants, les pionniers comme les continuateurs et les
novateurs. C’est un vrai roman que la vie de Gil Jouanard.
A. K.
Par Abdelmadjid Kaouah
Poursuivons
notre plongée dans l’histoire contemporaine de l’Algérie avec l’écrivain Gil
Jouanard. Engagé comme stagiaire au service de la recherche radiophonique de la
RTF, il saisit, dès décembre 1962 (« libéré » en septembre), l’occasion de
revenir en Algérie à peine libéré, afin d’y participer avec enthousiasme, à
vingt-quatre ans, au démarrage de ce qui lui tenait à cœur : la vie
culturelle d’un pays neuf.
« Je fus
chroniqueur, malgré mon jeune âge (mais alors les énergies et les compétences
manquaient), à la RTA (à la fois à la radio et à la télé, station d’Oran).
Puis, quand se créa La République (El- Djoumhouria) dans les locaux de l’ancien
Echo d’Oran, j’y fus aussitôt engagé (après avoir écrit un ou deux articles à
titre d’« essai ») comme secrétaire de rédaction (je « traitais » les dépêches
d’agence), puis critique de théâtre et de littérature ; et enfin, à la fois,
grand reporter (à travers l’ensemble de l’Ouest algérien) et responsable des
pages culturelles (où je contribuai à la publication des premiers textes des
jeunes -plus jeunes que moi- Mohamed Belhalfaoui et Malek Alloula … ».
Des années
plus tard, il a du mal à se rendre compte de la richesse et de la complicité de
son parcours de l’Algérie à peine son indépendance arrachée (temps lyrique
que chanta Jean Sénac dans son fameux poème « Aux héros purs » qu’il ronéotypa
et distribua aux premiers députés algériens !). Gil Jouanard
confesse : « Ce que j’ai vécu durant mes deux ans et demi à Oran et dans tout
l’Ouest, de Tlemcen à Ténès et à Tiaret, en fait, est si divers, si riche, si
surprenant, voire parfois fantasque, que je ne saurais le résumer en quelques
lignes. J’en parle assez longuement dans un récit autobiographique publié aux
éditions Phébus, « Un Nomade casanier ». C’était à la fois drôle et émouvant.
Un jour, du côté de Tiaret, un vieux berger est venu vers moi et m’a dit, en
gros : « Tu es resté ; c’est bien; il fallait rester ; si on n’y avait pas été
forcés, on n’aurait pas tué tous ces gens ; moi, j’étais à Monte Cassino ; je
n’ai rien contre les Français, mais on voulait notre indépendance, c’est
normal, non ? » Je lui ai répondu que je n’étais pas pied-noir, mais Français
de France, que j’avais été partisan actif de l’autodétermination, comme
beaucoup des jeunes de ma génération ; et que je venais pour participer à la
création d’un Etat nouveau, ce qui était exaltant ».
Dans les
faits, derrière le lyrisme ambiant, la dure réalité et les luttes d’appareil
étaient à l’œuvre. Au cœur du pouvoir et de la société embarquée dans l’aventure
pittoresque mais sans grande efficience sur le terrain. Pour être honnête, je
dois dire que la tournure prise par les événements, dès 1964/1965 me mit la
puce à l’oreille. J’ai quitté l’Algérie quelques jours avant le coup d’Etat,
par pur hasard ; mais déjà j’avais assisté à quelques scènes lamentables, qui
m’avaient révolté (notamment l’incarcération du génial Safir, notre rédacteur
en chef, un ancien de l’AFP qui avait quitté son emploi à Paris par
patriotisme, en renonçant ainsi à plus de la moitié de son salaire français. Un
journaliste remarquable). Déception, désenchantement ?
Gil Jouanard ne change pas de conviction : « Pourtant, jamais je ne me dis que j’avais eu tort de faire ce choix, quelles qu’en fussent les conséquences immédiates. J’avais rencontré tant de gens intelligents, généreux, durant ces deux ans et demi, que je m’étais dit que cela passerait, que l’Algérie repartirait vers l’avant,… un jour ou l’autre. Pour ce qui est de la culture, grâce à une poignée d’hommes admirables (je me rappelle de Mustapha Kateb, au TNA, Kaki à Mostaganem, pour le théâtre), un embryon du groupe pionnier, désorganisé mais plein de bonne volonté et parfois de bonnes idées, se mit en place. Malheureusement, la plupart des vraies compétences, mêmes mues par la meilleure des bonnes volontés, reculaient devant le manque de moyens, de structures, de vision d’ensemble, et aussi devant le marasme (fût-il plutôt bon enfant en ces années-là). Ceux qui tentaient l’aventure repartaient aussitôt, comme le magnifique Mohammed Dib, découragés (pas d’organisation fiable, salaires dérisoires, aucune infrastructure culturelle en état de fonctionnement, méfiance à l’égard de ce qui passait pour « occidental» et donc « colonial », mais ignorance du patrimoine arabo-berbère qui aurait pu compenser, apparition de prémices d’une régression des mentalités et des comportements, avec notamment l’apparition de ces inspecteurs de la religion auxquels l’esprit laïc des meilleurs Algériens vivant en France fut d’emblée allergique (et on les comprend, à la lumière du « cas Safir » à La République d’Oran.
Gil Jouanard ne change pas de conviction : « Pourtant, jamais je ne me dis que j’avais eu tort de faire ce choix, quelles qu’en fussent les conséquences immédiates. J’avais rencontré tant de gens intelligents, généreux, durant ces deux ans et demi, que je m’étais dit que cela passerait, que l’Algérie repartirait vers l’avant,… un jour ou l’autre. Pour ce qui est de la culture, grâce à une poignée d’hommes admirables (je me rappelle de Mustapha Kateb, au TNA, Kaki à Mostaganem, pour le théâtre), un embryon du groupe pionnier, désorganisé mais plein de bonne volonté et parfois de bonnes idées, se mit en place. Malheureusement, la plupart des vraies compétences, mêmes mues par la meilleure des bonnes volontés, reculaient devant le manque de moyens, de structures, de vision d’ensemble, et aussi devant le marasme (fût-il plutôt bon enfant en ces années-là). Ceux qui tentaient l’aventure repartaient aussitôt, comme le magnifique Mohammed Dib, découragés (pas d’organisation fiable, salaires dérisoires, aucune infrastructure culturelle en état de fonctionnement, méfiance à l’égard de ce qui passait pour « occidental» et donc « colonial », mais ignorance du patrimoine arabo-berbère qui aurait pu compenser, apparition de prémices d’une régression des mentalités et des comportements, avec notamment l’apparition de ces inspecteurs de la religion auxquels l’esprit laïc des meilleurs Algériens vivant en France fut d’emblée allergique (et on les comprend, à la lumière du « cas Safir » à La République d’Oran.
S’il
n’était pas à proprement parler rédacteur en chef adjoint, même si cela
pouvait en effet y ressembler, il était effectivement un des trois ou quatre
cadres, responsables notamment de la rubrique culturelle et, du fait de la
jeunesse et de l’inexpérience de la plupart des rédacteurs algériens,
j’assurais en effet, outre la veille du jour de « ma » page culturelle, un soir
de permanence de direction par semaine. C’est ainsi qu’il eut ainsi à gérer le
« démarrage » de deux événements majeurs : l’assassinat de Kennedy (dont nous
célébrons ces jours-ci le cinquantenaire !) qui l’obligea à changer toute la
«une» alors que le journal était prêt ou presque à être imprimé : « Je me débrouillai
avec les dépêches de l’AFP et de l’APS ; en revanche, le soir où tomba par la
filière du télex de l’APS l’annonce, à Cherchell, de la déclaration de guerre
au « roitelet du Maroc », sic, prononcée par le « frère Ben Bella », je dus
appeler dare-dare Otman, le directeur, car je ne pouvais m’autoriser, moi,
jeune et de surcroît Français, à traiter une affaire de politique aussi grave.
»
Quid de ses relations avec les écrivains, en particulier Algériens ? « A vrai dire, le souvenir que j’ai des gens est peu lié aux circonstances dans lesquelles je les ai connus. Mon amitié avec René Char a commencé bien avant que j’aie la moindre activité professionnelle ; celle avec Guillevic aussi par exemple.
Quid de ses relations avec les écrivains, en particulier Algériens ? « A vrai dire, le souvenir que j’ai des gens est peu lié aux circonstances dans lesquelles je les ai connus. Mon amitié avec René Char a commencé bien avant que j’aie la moindre activité professionnelle ; celle avec Guillevic aussi par exemple.
Quand je rencontre ici ou là Malek Alloula, pas un instant je ne songe
au fait que j’ai été le premier à le publier, alors qu’il devait avoir vingt
ans et moi vingt quatre. Après Mouloud Feraoun et Jean Amrouche, ce fut une
inflorescence prodigieuse. Oui, j’ai connu Dib, Yacine un peu ; j’ai dû
rencontrer Haddad brièvement, il y a longtemps ;
Anna Gréki, non, bien que
j’aie admiré son attitude à l’époque « héroïque » ; Taos-Amrouche non (mais
quelle femme !), tandis que j’ai effleuré son frère dans ma jeunesse, à la
radio je crois. J’ai aussi connu Alleg en Algérie (mais il est moins « écri
vain » au sens propre que « grand témoin », c’est vrai. J’apprécie beaucoup
Mohammed Kacimi. J’en ai connu d’autres, moins célèbres.
Et j’ai bien
connu un grand nombre de Marocains (Choukri, Chraïbi, Khatibi, Laabi, Ben
Jelloun, entre autres), et des Tunisiens comme Meddeb, Bekri, par exemple. »
Gil Jouanard, en homme d’expérience en matière d’écriture et d’édition, nous
livre son constat – lequel aujourd’hui a pu trouver quelques réponses à
ses interrogations : « D’une façon générale, l’état de l’édition
algérienne étant relativement précaire (mais elle est loin d’être inexistante),
celui de sa diffusion et de son lectorat encore difficile (le statut de la
langue française étant devenu problématique de surcroît), la plupart de ces
écrivains publient en France et c’est également en France qu’ils sont le plus
lus. On ne peut que le regretter ; mais comment faire ? Même au Liban (pays de
l’édition par excellence dans le monde arabe), Andrée Chédid, Stétié, Vénus
Khoury-Ghata, publient en France ; Adonis lui-même, arabophone, est surtout lu
en Europe francophone. Quant aux « thématiques », fort heureusement, elles sont
sorties du « convenu » (la guerre d’Indépendance et tout ce qui tourne autour),
depuis longtemps : les écrivains ne sont ni des propagandistes ni des radoteurs
opportunistes qui s’accrocheraient à l’os du ratiocinage rétrospectif sur le «
malheur du peuple algérien » ou sur son « héroïsme ».
Ils écrivent
librement, non pas à l’écart des contingences (qui ne manquent pas, à
l’occasion, de les rattraper : voir ce malheureux et si doué Djaout ; ou encore
Boudjedra et Mimouni qui durent à une époque s’exiler, Mimouni mourant même au
Maroc). L’avenir de cette littérature, qui pour l’instant s’inscrit dans un
vaste contexte dénommé « francophonie » (terme ambigu, mais qu’on ne sait par
quoi remplacer), est évidemment problématique. Logiquement, l’arabe devrait
prendre en charge, dans le moyen terme, la créativité littéraire de la plupart
des écrivains (comme c’est le cas, par exemple, en Egypte). Mais pour cela,
bien évidemment, encore faut-il, d’une part, savoir quel arabe (classique ou
dialectal ?), et il faut pouvoir écrire sans complexe en arabe tout ce que l’on
s’autorise à écrire en français ou en anglais par exemple ; ce qui n’est pas
encore tout à fait le cas, pour les raisons que l’on sait. En
attendant, la « littérature algérienne » vit en symbiose avec celle de tous les
écrivains francophones du Maghreb, avec ceux de l’Afrique en général, avec ceux
du Québec, de Suisse, de Belgique et de France. » Faut-il dire merci à Gil
Jouanard, ce témoin et ce compagnon de l’Algérie ? A le connaître un tant soit
peu, c’est un homme en paix avec sa conscience qui n’attend aucune
reconnaissance superfétatoire.
On lui dira quand même «Saha» !
On lui dira quand même «Saha» !
A.K.
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