lundi 24 mars 2008

LES AFFINITES ELECTIVES




Cathy Garcia et des intervenantes
du Printemps des poètes dans les rues
de Cahors le 8 mars 08




TOI MON AUTRE


toi mon autre
ma sœur mon frère
mon étranger

si semblable
si différent(e)
toi
adoré(e)
maudit (e)
cherché(e)
nié(e)
toi
l’espéré(e)

sans un passage
entre toi et moi
je ne peux vivre

sans toi l’autre
je ne peux exister
sans vous autres
les autres
qui me sortez de gré ou de force
de ma solitude de mon ignorance
de mon clan ma tribu mes préjugés
ma présumée identité

je ne peux vivre
sans vos mains vos sourires vos musiques
chaque objet que je touche
porte votre empreinte
vous autres, les autres

contre vous souvent je me cogne
et dans vos filets se prennent
tous mes espoirs
mes manques
mes craintes
mais sans vous comment saurais-je
l’amour le rire l’entraide
un peu de cette précieuse chaleur humaine ?

de chacune de nos rencontres
j’apprends

et avec toi
et avec elle
et avec lui
avec elle
avec lui
avec eux

diamant aux mille facettes
lotus aux mille pétales
trésor de nos différences

nous devenons
NOUS

nos sourires
nos mains
autour d’un verre
d’un moment
un silence
un rêve
une vie
partagés

nous toi moi eux
autres et si pareils pourtant

même chair
même sang
même cœur battant
sur cette unique terre

ensemble

Cathy Garcia

**

Éloge du fou


Il existe sur cette terre un peuple dont on ne parle jamais mais ils se reconnaissent entre eux ; ils s’aiment ou se haïssent mais surtout, sans cesse, ils se renvoient la même question, la seule à leurs yeux qui mérite d’être posée. Ils cherchent, cherchent sans répit, sinon quelques plages de mensonges et certaines formes d’oubli.
Cette question murmurée, implorée, chantée, hurlée, ils s’en frappent la tête.
Ils s’en mettent le cœur à vif ! Ils la boivent tel un vin rare, se l’injecte comme un poison, se saoulent ou se régénèrent, la perdent pour mieux la retrouver jusqu’au bout des nuits blanches, des journées sans soleil. Ils la décortiquent, l’aspirent, la crachent et l’offrent parfois sans calcul comme un bouquet de fleurs à une âme de passage.

Certains disent qu’ils sont fous. Et alors ?

Il en faut des fous pour exorciser nos démons, pour donner corps à nos monstres et nous permettre de dormir en paix ! Il en faut des fous pour se mettre à nu et se poignarder avec tous nos pieux mensonges ! Il en faut des fous pour se lancer dans ce vide que nous n’affrontons pas même du regard. Il en faut des fous pour aller décrocher les étoiles qui brillent derrière nos paupières cousues. Il en faut des fous pour accoucher le monde.

Fous ! Les fous battent la campagne et la breloque !
Fous ! désaxés ! détraqués ! dérangés !
Siphonnés, timbrés, piqués, cinglés, cintrés!
Maboul, marteau ! Toqué, tapé ! Tordu, toc-toc,
cinoque, louftingue, dingues et loufoques !
Z’ont perdu la raison,
La boule et la boussole,
Une araignée au plafond,

Mais qu’importe Monsieur, les fous travaillent et pas qu’un peu
Les fous travaillent du chapeau !
les fourres tout
les foutrement gais
les inspirés
chercheurs de vérité
fous téméraires
Et foutu bordel !

Les fous parlent à leur chien
Les fous n’ont pas de besoin
Les fous respectent la terre
les fous donnent tout
les fous ne mentent pas
Les fous flânent en chemin
nourrissent les oiseaux
les fous pleurent la mort d’une fleur
les fous traversent les déserts
gravissent les montagnes
franchissent les mers
les frontières
à la nage ou à la rame
les fous disent paix et tolérance
brûlent leur carte d’identité
pour les sans-papier
Les fous refusent de s’alimenter
parce que d’autres sont affamés
les fous ne ferment jamais leur porte à clé

les fous vivent dans les arbres
les fous se couchent au sol
devant les tanks les bulldozers
les fous parlent d’amour quand on leur fait la guerre
les fous pardonnent à leurs tortionnaires
les fous s’opposent, luttent, militent
aiment et cultivent la différence

les fous défendent des idéaux
les fous écrivent des poèmes
Les fous refusent télé, supermarchés
refusent d’être vaccinés, pucés
s’entêtent à ne pas se résigner

Les fous un jour partent sans se retourner
Les fous voyagent à pied
à dos d’ânes en roulottes
Les fous font de leurs rêves une réalité
les fous se méfient du progrès
prennent le temps de ne pas travailler
les fous crèvent plutôt que de capituler
Les fous s’aiment malgré tout
Les fous refusent le garde à vous
Les fous croient en la justice
et pensent pouvoir changer le monde

mais il y a d’autres fous encore plus fous
qui veulent que tout soit parfait
fous qui veulent rester entre eux
fous de fric de pouvoir
fous qui veulent tout diriger
fous qui veulent tout acheter
fous qui pensent qu’ils n’en sont pas
et qui disent :

Est fou celui qui ne pense pas comme nous…
Est fou celui qui n’est pas comme nous…

Cathy Garcia

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