« LA MEMOIRE EST UN MOULIN »
LETTRE DE Marc BONAN
8, Boulevard de Compostelle
13012 Marseille
à Abdelmadjid Kaouah
Marseille le 6.6.05
Cher Kaouah,
Médéa nous a rapprochés. Nous avons cheminé dans la Pépinière et sur l’eau d’El Kébir aux quatre robinets sous le regard perdu de gueux de Richepin. (1)
De mon moulin, je voyais la mosquée et, gosse, on me faisait croire que le muezzin se faisait Père Noël de minaret à cheminée.
Il y avait là-bas une grande roue noire où l’herbe disputait à l’eau la pesanteur. Alors les engrenages grinçaient, les poulies s’affolaient sur leur axe d’acier, les plansichters tournaient tels des soufis et les « sarteurs » secouaient leurs peaux tendues dans un halo de poussière. Ça sentait le bois de pin, l’huile de graissage et le blé reposé.
Il faut peu de choses pour que renaissent les souvenirs : un regard bienveillant et une parole vraie.
Quand Bouchacour trancha le Rocher jaillit alors de la Chiffa, l’oued de la guérison, vinrent les singes, et, plus tard, des poètes. Un nouveau Madani (2) s’impose pour de nouvelles Rencontres comme celles que nous avons vécues à Montpellier (3).
Je dois au thésard Hamid (5) un moment de vie commune et à tous une fraternité inoubliable.
En toute amitié.
M.B.
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(1) Il s’agit du poète Jean Richepin, fils d’un médecin militaire, qui naquit le 4 février 1849, décédé le 16 décembre 1926. Son recueil « la Chanson des Gueux » qui parut en 1876, lui valut un mois de prison et 500 francs d’amende. Il y exaltait « la poésie brutale de ces aventureux, de ces hardis, de ces enfants en révolte, à qui la société presque toujours fut marâtre, et qui, ne trouvant pas de lait à la mamelle de la mauvaise nourrice, mordent à même la chair pour calmer leur faim ». Ce Villon moderne est entré à l’Académie française en 1913. Une plaque commémorative est apposée jusqu’à ce jour sur le lieu (à l’origine hôpital militaire, par la suite hôtel de ville et enfin aujourd’hui bibliothèque municipale) où Richepin naquit.
(2) Selon le poète Jean Claude Xuereb, « entre décembre 1947 et mars 1948
ont eu lieu, dans un ancien hôtel transatlantique à Sidi Madani, dans les gorges de la Chiffa, des rencontres d’intellectuels, écrivains, artistes venus d’Algérie et de France. Y participèrent notamment Louis Benisti, Malek Bennabi, Albert Camus, Jean Cayrol, Mohamed Dib, El Boudali Safir, Louis Guilloux, le docteur Khaldi, Michel Leiris, Brice Parain, Louis Parrot, Francis Ponge, Emmanuel Roblès, Jean Sénac, Jean Tortel,…Ces rencontres, bien qu’ignorées de la plupart des historiens ou passées sous silence, méritent d’être évoquées comme un moment important de la vie intellectuelle de l’époque ».
In Albert Camus : Oran, l’Algérie, la Méditerranée
Oran, Algérie. Les 11 et 12 juin 2005
Colloque organisé par l'association Les Amis de l'Oranie, en partenariat avec les CCF d’Alger et d’Oran, l’association Bel Horizon Santa Cruz et Mémoire de la Méditerranée Algérie.
(3) Soutenance publique de la Thèse de DNR d’Hamid NACER-KHODJA à l’université Paul Valéry-4juin 2005
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