dimanche 30 mars 2008

TIBOUCHI TRIPTYQUE










l’enfant solitaire
– c’était donc moi –
bâtissait de petites sculptures in-situ
cruelles attrape-oiseaux

à l’affût souffle coupé mon imbécile
voyait tomber les pierres plates
rognant les ailes aux volatiles
leur cassant le cou

était-ce leur âme
ce papillon qui montait au ciel
la brise ranimait le duvet du ventre
encore chaud montrant la chair bleuie

avait-il seulement idée
mon hurluberlu
de ce qu’est
la liberté

Hamid Tibouchi




I


Parti pris fantaisie

Scott Fitzgerald et Hamid Tibouchi convoqués dans l’espace d’une même chronique ? Il faut convenir que le rapport est plus qu’hasardeux, voire saugrenu. Mais allez savoir comment certaines associations d’idées, de visages ou de sensations s’imposent à vous ? Au demeurant, il y a toujours, quelque part, un subtil déclic à l’origine d’une dérive. En l’occurrence, la diffusion de l’adaptation TV du roman Tendre est la nuit de Scott Fitzgerald, une flânerie répétée à travers les vers de Hamid Tibouchi : « finisse la nuit, que l’on dresse/ la forteresse des caresses »- et voici de quoi construire une cohabitation à première vue fantaisiste. Une manière comme une autre de justifier un parti-pris ...
(extrait d’une chronique de presse)





II
parce qu'il a trop neigé

L’amitié ne serait-elle qu’un accident de l’enfance, de ses premiers émois dans l’espace à la fois enclos et découvert, balisé et illimité.
Le voici l’enfant le rêveur, le doux bambin ou l’espiègle gamin qui joue des tours à la faune des copains ; Il peut être bruyant, importun, escalader les arbres chétifs, faire voler en éclats leurs branchages.
Il peut tracer sans craie le cercle et inscrire sa volonté et dicter la règle du jeu aux autres, aux copains, plus tard aux voisins, aux riverains, aux passants à une nation.L’enfance d’un chef sans moustache, juste parce qu’il sait le premier quels fruits cueillir sans se faire attraper, distancer la bande et se réjouir après l’escapade de ses déboires.
Mais l’enfant peut être silence, distance, discrétion et regards patients passant de l’hirondelle au galet, de l’insecte, la petite fourmi au nid fragile au bout du noyer, l’enfant c’est peut-être une gaule agité dans un matin de besoins au faîte de l’olivier. La consomption d’une huile de la lampe comptée comme des sous en vue d’une noce sans cesse ajournée, parce qu’il a trop neigé ou parce que l’été a été implacable.Ou parce que la promise n’est pas encore nubile et qu’on se méfie des nouveaux colporteurs de parole qui proclament que la poésie des anciens est caduque et proposent un nouvel alphabet...Mais l’enfant, en ses postures diverses, se fortifie quelque que soit l’horizon vers lequel son regard se porte...Il est déjà aux saisons de la clameur
ou du geste, de l’accueil, discret mais fertile comme la graine inattendue dans ses floraisons épanouies.
La chrysalide poursuit son travail obscur, minutieux, obsédant, maniaque remettant sans cesse à l’endroit les cours d’eau de la passion.






III
la royauté par les signes

Une grande leçon de silence, d’humilité déployée entre les lignes, les haies, les barbelés du quotidien. Neige et mimosas en hommage à un jongleur des mots saisi par une sanglante éternité. Le compagnon s’est longtemps posé la question sur ce qui se cache derrière les mots : le jongleur en a-t-il percé le secret. Et de son extrême voyage ramera-t-il un jour la réponse. De retour des neuf étapes de la matrice. Pour l’heure le Compagnon rassemble hors des toiles des chevalets des cimaises les pièces éparses de la fureur du taureau.
Cela ne ressemble en rien à une fable. Seulement deux mains guidées par un obscur instinct qui vont avec sûreté légèreté droit au cœur du silence, et installent la royauté par signes minuscules.



Inachevé

La parole s’éclipse parfois comme un acteur saisi par l’amnésie.
Nous lisons les poètes et frôlons les peintres.Quand ils ne sont qu’un , nous appelons à la rescousse la musique.Etale comme une mer d’enfance, à peine liquide, translucide et vibrante de paresse. Les rayons du soleil ricochent sur sa chair, elle semble mugir comme une bête prise de désir.Taïk Kouk, le rut épique qui embrasait la nature alors que les parents cachaient sous d’épais tissus de pudeur la marmaille impudente. Comme un acteur saisi d’amnésie, le poème se dérobe sous les pas du danseur. Il a juste bu à la source du village.L’eau était claire, l’amphore gracile et l’isefra énigmatique.
Le rawi est passé ce matin très tôt, a dit son dictalame. Puis simplement a tracé sur le front du premier enfant réveillé le signe du Bien. Et le Bienfaisant est parti l’aurore à peine sur ses genoux.


L’Enfant a rejoint les rouges-gorges dans la profondeur des taillis. C’était là : il avait rendez-vous avec la Nuit du destin ; depuis, il la guette et elle nourrit son rêve de furtives apparitions. Ni poème ni peinture n’épuisent leurs noces anonymes.
Seule, la musique , en mer insondable , recueille quelques murmures de leurs ébats
.

Abdelmadjid Kaouah

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